vents du Sud

Le nan-guan – 南 管 , souffle du Sud – est un récitatif monocorde originaire de la province côtière du Fujian, l’antique Min-Yue –越- au sud-est de la Chine, rebelle royaume racine de la belle Formose. Sa trace est ancienne, un demi-millénaire avant la naissance du Christ selon notre comput. C’est une musique discrète, mélancolique, élégante, lente, méditative. Une interprète unique parfois dont la voix enlace en chaîne continue, encore et encore, les boucles d’une mélodie linéaire. Sur cette plaine monocorde l’accord surgit, non pas de la synchronie, non pas du rythme, mais de la rémanence des instants, entre sons neufs et sons juste passés. Les notes qui fuient résonnent avec celles qui jaillissent. Passé et présent concordent dans l’oreille.

La Birmanie préserve vivante une tradition lyrique de gracieux répons amoureux : une jeune fille, craignant d’être séduite et redoutant de ne pas plaire sans cesse chante à son soupirant ses refus engageants. Mélopée, paroles, soupirs, nuances s’enlacent, s’enroulent et se délient,  toujours reprenant leur danse embrassée. Crainte du rapprochement, de la prise qu’offre le désir à la violence. Sans la crainte surmontée du rapprochement des corps, sans le répons des amants, à quoi servent les parades animales et les codes humains de la cour amoureuse, pas d’étreintes fructueuses, pas d’oreilles pour entendre, pas de musique, pas de temps.

Le nan-guan comme la mélopée birmane tricotent leurs boucles musicales en chaînes continues, récursives, cycliques. Les deux genres renvoient à la lente scansion balancée de la mémorisation orale, à la mélopée, aux généalogies des griots, aux rouelles et svastika scythes, celtes, védiques, au balancement des madrassas, que vient barrer la croix chrétienne fléchée entre origine et fin.

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