L’air surchauffé vibre sur la plaine sans bords entre Sahel et Sahara.
fondue à blanc l’atmosphère chatoie de langues
mouvantes d’argent vif où s’accolent, s’embrassent,
se délient des flaques de carbone en mouvants miroitements
dessus, flottant entre ciel et horizon
paît une gazelle gracieuse qui hasarde
dans l’eau du mirage un sabot délicat.
Sur le chaudron de photon, sur le magma de lumière dense
pèse un azur solide, sec, pur, dur, plane un bourdon minéral
à peine troublé par les notes indécises d’un luth lointain qu’égrène un plectre.
Là, au milieu de nul part, à l’ombre chiche d’une zériba
posée sur l’arène un douanier s’est assoupi transistor à l’oreille.
Cette cabane de palme, c’est le poste frontière entre Niger et Mali.
Au mitan de ce néant, les vibrations hésitent
entre réel et illusion,
entre ébranlements hertziens d’un lointain muezzin
et la corde de peau et le corps de bois
du djembé et de la derbouka,
de la cora, du luth.
Au centre de ce rien, à la frontière de deux paumes nues
s’affrontent deux devenirs
Dans les madrassas, les corps balancent rythmiquement
les dos ploient aux cinq prières du jour
on rêve d’une vie codifiée sous le regard de Dieu
tandis que les antennes des villes hérissées
d’envies frustrées beuglent leurs publicités
.
Pour ces terres sans confins
l’Islam rêve d’un autre pacte entre l’homme et le divin
entre l’homme et la femme,
entre tumulte du désir et sagesse équanime,
entre l’homme et un Dieu qui
le garderait à distance encore
dans l’attente d’une incarnation
non encore advenue et qui le rend modeste.
A la scansion, à la ritournelle, à la coutume,
les fils des Grecs préfèrent le changement,
le progrès, le temps des engrenages,
le temps cumulé à intérêt, la flèche orientée.
Choc des civilisations heurt des durées
Il n’y a pas dans le clip -parenthèses du temps –
ou les échantillons du rock
dans le halètement des machines
l’espace suffisant pour la lente catalyse
du répons birman, l’égrènement du nan-guan, les ciselures du luth