Pas moyen d’entrer au musée. Un gros chien noir, poil hérissé, babines retroussées, crocs apparents m’en interdit l’accès. Aucun propriétaire à l’horizon : il faut l’intervention du personnel de l’établissement pour éloigner le cerbère. Combien de touristes ont-ils rebroussé chemin devant le fauve ? Accueillir ainsi le visiteur, sont-ce les us d’Uzès?
Mes pas m’entraînent ensuite vers la belle et verte vallée de l’Eure. L’endroit est idéal pour faire prendre l’air à toutou. Ils sont nombreux en effet, une bonne moitié laissée à divaguer en toute liberté. Pourtant partout des panneaux indiquent que les chiens doivent être tenus en laisse.
Je vois un cabot déposer sa crotte sur la pelouse et deux mamans apeurées vite mettre à l’abri leurs poupons vers lesquels accourent des molosses. « N’ayez pas peur, il est gentil », s’exclame sans manquer le propriétaire. Tous les ans de tels animaux « gentils » tuent plusieurs enfants et quelques autres chiens. J’ai été agressé à l’âge de quatre ans par un berger allemand, dont je vois encore la gueule énorme à hauteur de mon visage. Depuis, je ne peux réfréner ma frayeur. Et l’animal « gentil », sentant ma peur, devient agressif. Combien de temps admettra-t-on que l’agressé ou la maman apeurée devront courber la nuque devant la brute, subir d’amères disputes quand le droit est pour eux ?
La police municipale m’indique qu’elle est là pour faire de la médiation. Il y aurait donc deux lois : l’une, pour ceux qui la respectent, l’autre, négociable, pour ceux qui la jugent facultative. Que reste-t-il de la loi si elle est négociable et que des autorités laxistes la prennent par dessus la jambe ? Crest dans la Drôme est une cité comparable en taille à Uzès. Récemment, le stationnement anarchique des cycles a soulevé une polémique. On a vu fleurir des affichettes collées par des cyclistes outragés où se voyait une automobile stationnée sur le trottoir en regard d’une bicyclette parquée à l’arrache. Quel sens cela a-t-il ? Puisque l’automobiliste ne respecte pas la loi, pourquoi la respecterais-je ? C’est un cercle vicieux : une incivilité en justifie une autre. Et bientôt s’installe une atmosphère de suspicion et d’insécurité générale, tandis que se délite le vivre ensemble. A Singapour, où grandirent mes filles, on ne maquignonne pas avec la loi. Résultat : une jeune femme rentre chez elle de nuit en toute sécurité. La civilité ne se divise pas ! Combien de temps encore faudra-t-il subir l’animalité du maître, sur l’attitude duquel toutou calque son comportement ? La démocratie, c’est fait pour les chiens ?
A l’occasion d’un déplacement dans le Gard, j’ai eu la chance de rencontrer une personne qui m’a montré d’intéressantes pièces de silex taillé de différentes époques (acheuléen, solutréen), certaines locales, d’autres provenant d’Algérie.
L’une de ces pièces a retenu mon attention. En forme de poinçon, de la taille d’un index, base brisée, en silex, de couleur brique, ou marron-brique (ou vert : je suis daltonien).
Ce qui la rend remarquable ce sont deux séries d’incisions très nettes et franches (dont je n’ai pas retenu le nombre exacte) sur chaque flanc, ainsi que sur une face une incision sagittale très nette également, en forme de Y, bien que l’un des bras du Y soit peu marqué.
La régularité des incisions, leur profondeur constante, leur verticalité, pourrait évoquer une taille à l’aide d’une plaquette avec sable et eau, ou une ficelle, sable et eau.
L’informateur n’a su me dire si la pièce était locale ou provenait d’Algérie. Vaincu par la chaleur, je n’ai pas visité le site et ne sais même pas si on trouve cette qualité de silex localement.
Je n’ai jamais vu d’objets longs incisés en silex. On connaît bien sûr des os ou des bois incisés, mais à ma connaissance pas de silex longs incisés. Il ne faut pas exclure aussi la possibilité d’un faux. La tracéologie en dirait beaucoup sur sa manufacture.
Un schéma (de mémoire et incertain) fera mieux comprendre les choses.
Quelqu’une ou un aurait-il des informations concernant des objets similaires en silex ?
Une émission de salubrité publique à n’en pas douter que propose France 2 ce soir 17 juin 2025. C’est probablement un des mérites de cette émission où intervient le psychosociologue Sylvain Delouvée que de dépasser le concept fumeux de race pour analyser le racisme, bien plus pertinemment observé sous l’angle des préjugés de toutes sortes qui affectent les jugements que l’on porte sur l’autre dès lors qu’il diffère de nous.
Qui présente l’émission ? Marie Drucker. Qui est Marie Drucker ? La fille à son père ! Aussi est-il peu douteux qu’une très large partie de ce phénomène qu’on appelle le racisme restera dans l’angle mort des préjugés de classe. Marie Drucker, de bon et beau sang, de race bleue n’est-elle pas plus compétente qu’une vulgaire quidam qui ne pourrait se prévaloir que d’un talent, voire d’un génie des plus communs ?
Qui de mieux qualifié-e que celle ou celui qui partage mes valeurs, mes goûts, mes standards, mes diplômes, mon langage ? Quoi de plus pernicieux qu’un préjugé innocent sans couleur, sans odeur, sans saveur et qui oriente perversement mes préférences en les faisant passer pour un choix objectif ? Aussi probablement lors de cette émission le biais oligarchique sera-t-il d’autant plus massif qu’il restera inaperçu. D’autant plus indéboulonnable que paraissant s’indigner du viol de belles valeurs morales, il s’agira surtout – en tout aveuglement – de promouvoir en même temps que notre noble cause nos intérêts de classe et notre agenda politique, à nous les gens biens, à nous les oligarques qui du haut de notre mépris envers les Puants – ainsi les nobles Incas nommaient-ils la populace paysanne selon un schéma toujours actuel et que l’on vit vivace lors de la crise des Gilets jaunes – alors que débordants de charité, nous défendons les valeurs éclairées et humanistes de notre racisme de classe contre la turpitude morale des obscurs racistes ignorants de la plèbe. Que voulez-vous ? c’est dans la nature de la populace que d’être raciste !
Aussi connu dans la sphère indo-perso-pakistanaise qu’Oum Khalsoum dans le Magrheb et Mashrek, Nusrat Fateh Ali Khan est le maître incontesté de la tradition soufie kawali, à la ferveur mystique. Nusrat Fateh Ali Khan reprend le flambeau d’une tradition musicale familiale vieille de sept cents ans. Sa maîtrise des diverses langues vernaculaires – pendjabi, ourdou, persan, braj bhasha, hindi – lui assure rapidement une audience régionale puis internationale. Il est mort trop jeune à Londres en 1997. Le concert ici proposé a été enregistré à Paris en 1988. L’Ensemble féminin Ilahi, est le premier groupe féminin reprenant la tradition kawali à la suite de Nusrat Fateh Ali Khan.
Formidable : la France vient d’inaugurer le super-calculateur Jean Zay aux capacités faramineuses telles que le moindre de ses calculs prendrait des années à une population entière dont chaque membre effectuerait une opération par seconde, nous apprend ce matin France Info (mercredi 14 mai 2025).
Que d’ignorance dans une telle information ! Que de préjugés, notamment celui que souligne Günther Anders quant au sentiment d’infériorité de l’homme vis à vis de ses propres machines (« L’Obsolescence de l’homme »). Car en effet ces zillions de trillions de milliards d’opérations que serait capable d’effectuer l’hyper calculateur en une seconde ne sont que bullshit : il s’agit d’opérations élémentaires, décidant entre 1 et zéro. L’humain, dès bébé, fait cela en se jouant et comme sans y penser. Au surplus ces supposées super machines demandent pour fonctionner une débauche d’énergie, écologiquement insoutenable.
En comparaison le plus simple des esprits humains est de loin plus sophistiqué et immensément plus sobre. Les phénomènes psychiques se déroulent à l’échelle quantique, micro-micro infinisétimale. Les plus brefs évènements psychiques détectables se mesurent à l’échelle de l’attoseconde (10-19 seconde). Si l’on dilatait chacune des ces attosecondes pour en faire une seconde, alors notre seconde habituelle durerait quelque 320 millions de millénaires. Autrement dit le simple fait de parler, de penser, de vivre est fondamentalement, sous l’angle combinatoire élémentaire (quantique), un phénomène d’une antiquité phénoménale. Et encore faut-il comprendre que calculent en parallèle 80 milliards de neurones, chiffre qu’il faut encore multiplier en raison du fait que le synapse lui-même est déjà une machine combinatoire d’une extrême complexité, que l’axone présente des foules de structures qu’on croit désormais impliquées dans la sentience et la conscience, que la bête matière blanche qu’on croyait simple câblerie serait également partie prenante de l’activité neurale. Le tout, répétons-le, d’une sobriété admirable et au surplus capable de se répliquer lui-même.
De sorte que la journaliste nous apprenant cette nouvelle mobilise pour le faire des capacités combinatoires largement supérieures et de loin plus synthétiques et globales que le pauvre boulier électronique Jean Zay de 43 tonnes et 2 MWH (un cerveau humain pèse moins de 1,5 kg et un corps entier fonctionne avec quelque 100 watts l’heure).
Il faut en finir avec la superstition technologique assise sur l’illusion que l’art de Prométhée pourrait égaler les travaux et l’art que quatre milliards d’années de vie, eux-mêmes héritiers de 15 milliards d’années de raffinage chimique, biologique, énergétique, complexifiant – ceci à l’échelle de l’univers entier dont le calculateur Jean Zay n’est qu’une application et un sous-ensemble nano restreints , ont conféré à nos cerveaux eux mêmes organisés en sociétés.
Il n’est pas six heures que déjà claquent les premiers tréteaux du marché d’Arles. ll s’étale largement comme une enceinte de toile autour de la cité. Montant en boucle large du Grand Rhône, il enfile placide le boulevard des Lices, oblique au nord vers les antiques remparts. Ce samedi très tôt la brume étouffe le bruit des étals que l’on monte. Le bizarre printemps indien de cette fin février en est cause, qui condense l’humidité du Rhône et de ses eaux alpines.
A 10 heures, le soleil achève de percer. Les mamies, lève-tôt, sont venues les premières. Et puis des couples, des familles, des enfants, des papis et des jeunes mamans. Un couple de Coréens, deux Américains, des rires hollandais et même un Iroquois avec crête, cuir et chaîne, dont aucun pourtant ne dément l’éminente provençalité du marché d’Arles : « C’est le meilleur de la région », dixit une foraine pâtissière. « Et il s’accroît d’année en année » opine le vendeur d’olives. « A I’escabèche, à I’andalouse, à la sévillane, mes olives !». Un marché aussi vieux qu’Arles, dopé par les vétérans romains vainqueurs de la Gaule chevelue et dotés ici par César. Les incursions sarrasines l’étrillent, les Normands, tapis en Camargue, le pillent. Mais toujours il renaît. Au XIe siècle, quelques bourgeois avisés jettent un pont sur le Rhône. Désormais, la route rencontre le fleuve. Les barques se mêlent aux charrois, aux mulets.
Des mains s’agitent, les pièces blanches, les pièces jaunes tintent, deux kilos bien pesés, le sac en plastique récalcitrant, on échange une blague avec un grand sourire et l’on est heureux parce que l’on se promène, que le soleil brille et que l’on remplit le réfrigérateur. De quoi ? De baklava turc, de bœuf séché arménien, de berlingots au coquelicot ou à l’eucalyptus, de potirons, d’asperges ou de kakis, de fraises d’hiver, de jimbelettes, spécialité languedocienne à l’amande amère, de tomme de Savoie au lait cru, de coriandre frais ou de cébettes. Ah ! bien sûr, le marché a changé. Il n’y a plus de bourse, en fait la salle du café à côté où les paysans achetaient et vendaient le foin ou le vin. Ça maquignonnait à tour de bras. On recrutait ou on louait le labeur. L’histoire roule comme le Rhône.
Le marché a de nouveaux gadgets, bibelots, bimbeloterie, petites améthystes qui accrochent le soleil, scènes de plâtre peint où l’on reconnaît l’estancot, l’épicerie, ou le mail familiers. Et puis, il y a les anciens. Ils sont là depuis quinze voire vingt cinq ans. Emile vend du poisson. Son père, c’était les cochons. Il venait de Noves, à quarante kilomètres de là, en poussant devant lui dès minuit sa cohorte grognante. Retour bien après le crépuscule. Quatre générations de Coeur se sont succédées sur le marché d’Arles. Paul Cœur continue d’incarner une race bien particulière, le forain-artisan. Aux produits de ses mains, il ajoute ceux du négoce. Il fabrique à Graveson et étale en Arles, licols, bricoles, longes, harnais, mors, tire-bottes, capes de bergers, graisse à cuir, lassos ou seden, cette corde faite de crins de cheval.
Une pointe de nostalgie : « Avant les gens savaient ce qu’était un cheval, ils étaient compétents. Le cheval était pour eux un outil. Maintenant, ils ne savent plus, ou bien, ils prétendent savoir. Le cheval-loisir a remplacé le cheval-labeur ». La roue tourne, mais le gardian sait toujours où trouver le licol robuste qui résistera au sel et à la sueur de son vaillant petit Camarguais. La roue tourne, comme la foule, qui se fait dense quand sonne onze heures.
Les cabans s’enflent, les cageots se vident. Les parasols filtrent des ombres lumineuses, orangées, bleues, dorées. Le vieux monsieur avec ses glaïeuls sourit. Cadeau pour sa dulcinée ou charme de la fleuriste ? Tulipes écarlates, grappes jaunes des jonquilles, mauves jacinthes grenues : l’air vibre de soleil. Celui qu’a capté l’iris de Van Gogh, qui rend plus noire la chevelure de jais des Arlésiennes, « hiératiques et si inaccessibles ». Elles portaient la coiffe, un riche ruban de passementerie agrafé autour d’un chignon menu. Peut-être ceux-là même que vous dénicherez, entre un bouquiniste et un brocanteur. Sombres et moirés d’outremer, ou bien encore marine et grège, comme le « virginien », réserve aux filles non mariées. Que de malles ou de trousseaux d’aïeules où châles et dentelles attendent sagement qu‘une succession ou un déménagement les extirpent de leur grenier. Car si on ne les fabrique plus, on les recherche toujours. Et les fillettes, « Mireille dès douze ans », viennent sous les platanes choisir l’essentiel ornement de leur costume de fête.
Mais le soleil titille le zénith et l’estomac éveillé par le cliquetis des verres aux terrasses du boulevard des Lices gémit. Un petit chèvre à la sarriette ? Un beignet de pince de crabe au camion vietnamien ou du tarama grec ? Le charcutier a bien trop de faconde pour que sa saucisse « au taureau et sanglier » n’en ait pas aussi et, bien vrai, on croit avoir en bouche les odeurs d’Arles et toute la Camargue !
Quelle magnitude ressent un homme bourré force 5 soumis à un tremblement de terre de magnitude 7 ? Donnez votre réponse dans l’échelle de Richter par degré alcoolique.
Question corollaire : comment peut-on dire d’un marin chaloupant à contre phase en pleine tempête qu’il est en pleine bonace ?
« En vingt ans le nombre de lits d’hospitalisation a chuté. Au cours de la même période, l’espérance de vie a fortement crû. Il est donc à craindre qu’accroître le nombre de lits d’hospitalisation fera reculer l’espérance de vie. »
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interprétation d’après une photo de l’auteur, de la sierra du synclinal de Saou suant l’eau du Vercors sous la plombe caniculaire
Jaunes les jonquilles, mauve les primevères, tendre le bleu du ciel couché dans l’herbe où grouille le printemps tout charnu de rosées, de sucs, de vers, d’amibes, de cirons, de mycorhizes gonflées du plus sensuel des liquides : l’eau.
Mais bientôt vient l’été.
Saoû brûle bleu sous le dard du soleil. Bleu de cobalt, dense, solide des tonnes d’eau qui par millions s’évanouissent dans l’azur. Torride premier été du toboggan sec.
Sur les pelouses irrigués du Complexe aquatique batifolent le touriste et sa smala recomposée bruyante. Malgré l’étiage estival, le tourisme irrigué arrose de sa manne la vallée. Le reste de l’année, des retraités aisés soucieux de leur forme, ou bien de dynamiques actifs mobiles en quête responsable de bien-être et pour le corps et pour l’âme profitent de notre belle Biovallée® .
Les déprédations, les vendeurs à la sauvette, les grillages ? Du passé ! Oubliez ! Des caméras et des vigiles garantissent votre tranquillité. Soucieux de partager ce commun qu’est la vue, l’administration du Centre aquatique offre des zones de gratuité visuelles à n’importe qui veut se rafraîchir la vue en regardant l’eau.
Les zones de gratuité sont disposées de manière qu’autrui ne puisse se rincer le regard à vos détriments. Votre anonymat, votre intimité, sont garantis comme l’agrément de votre séjour et la pleine jouissance de la fraîcheur et des aménités balnéaires du Centre aquatique et sa chaude sociabilité. Oubliez tout, oubliez vos soucis, oubliez la pression, cocoonez-vous !
Conformément à son engagement écoresponsable, le Centre aquatique investit chaque année dans des technologies de pointe pour optimiser son empreinte écologique. Vous procurer les vacances éco-respecteuses les plus confortables , les plus fraîches et au moindre coût: c’est notre promesse.
Le Centre aquatique n’oublie pas sa responsabilité citoyenne, économique et sociale (RCES). L’eau est un commun comme la vue. Un commun, comme la vue l’eau l’est. Et l’eau c’est la vie, et sans vie pas de vue et tout part à vau l’eau. Les tensions sur la ressource et le soutien nécessaire à l’activité économique font malheureusement peser un lourd tribut à la gorge des hydro-démunis.
Aussi votre Centre aquatique a-t-il rejoint un groupe de mécènes de l’Economie Ecologique, Sociale, Sanitaire, Solidaire et Aquatique (GMEESSSA). Aujourd’hui nous félicitons l’Etat de l’initiative qu’il a prise de soutenir la suggestion du GMEEESSSA de lancer un grand plan social et solidaire.
« En quoi diffère-t-il des 57 précédents autres ? » interroge notre journaliste ?
« La différence est radicale ! », assène le mécène porte-parole du GMEEESSSA. « Vous me demandez en quoi ? Son esprit et sa méthode scientifique et pragmatique sont uniques ! C’est la première fois qu’on s’appuie sur des méthodes de pilotage du changement fondées: – 1- sur les techniques d’ingénierie communautaire (community building); – 2 – sur la philosophie du Care; – 3 – sur l’approche de Concorde Sociale Hydro-Holistique et de Développement des Territoires-Marge » ®. Et ça, croyez moi, ça change tout ! »
Pour toute information sur le 58e « Grand Plan d’ingénierie communautaire de Concorde Sociale Hydro-Holistique et de Développement des Territoires-Marge inpiré du CareTM », surnommé en bref GPICCSHHDTMIC, rendez-vous sur notre site. Ou bien entrez ou dites tout simplement le code: 58eGP26/ICSH2DTICTM. Cette référence est à rappeler pour toute correspondance ultérieure.
Publié à Taïwan, c’était une sorte de National Geographic qui en reprenait même le code couleur. Le numéro en préparation portait sur l’architecture de Shanghai, métropole au riche patrimoine art-déco. L’éditeur était un ami et sachant que j’en venais m’avait sollicité. Grand fouineur, insatiable curieux, ethnologue de formation et d’inclination, n’hésitant jamais à grimper dans les immeubles, à pénétrer les courées, à parcourir les nong (弄 : ruelle), j’avais en effet pas mal de clichés. Mal en prit toutefois à l’ami éditeur de faire un tour à Shanghai et d’y rencontrer l’Association nationale des photographes de Chine : 中国摄影家协会 – zhongguo sheying jia xiehui. En Chine, on ne s’associe que sous l’aile du parti. Avec les arguments difficilement résistibles, qui sont ceux du PCC, « l’association » le persuada d’utiliser ses propre clichés, pas les miens.
Quelques temps plus tard je croisai à nouveau mon ami éditeur. L’air maussade, il m’avoua que son numéro sur l’architecture de Shanghai avait fait un flop. Tous comptes pesés, il aurait préféré mes photos. Je parcourais le numéro en question : les illustrations en étaient positivement chiantes, ternes, convenues, géométriques, vides de vies et de corps. Des photos techniques d’architecte plus que du photo-journalisme.
Arte a récemment diffusé un reportage sur l’Estonie, pays dont la population est aux deux tiers russophone [1]. Plusieurs voix témoignent de la bonne vie qu’on menait alors sous le couvercle soviétique. Constats tout empreints de nostalgie étonnamment semblables à ceux qu’on peut recueillir en Crimée ou en Allemagne de l’est, en Hongrie, voire en Chine, pour les anciens du moins, ayant connu l’ère maoïste et son bol de riz en fer, quand il suffisait de se laisser porter, études, travail, appartement, lieux de vie et de vacances, tous assignés par le parti. Aucune liberté mais comme on vivait bien en ces temps là ! Tout le monde avait un emploi, les loyers étaient peu chers, la vie également, la santé était gratuite et on avait des réfrigérateurs !
Mais voilà, tout cela n’était qu’économie Potemkine : du stuc joliment peint [2]. Les réfrigérateurs, les loyers pas chers, le boulot pour tous, tout cela n’était qu’artifices permis par l’économie de guerre, dont la menace toujours ravivée faisait office de ciment national. Ainsi en Estonie, les habitants de Sillamaë ne devaient-ils le chauffage gratuit qu’à l’usine secrète d’uranium. Pourtant, les bienfaits socialistes ne profitaient pas à tous, seulement aux privilégiés soutien du régime, classe d’ingénieurs, de techniciens, d’apparatchiks, aux beaux appartements et aux villas de loisir réservés à leur seul usage. C’est toujours vrai en Corée du nord [3] et de façon moins accentuée en Chine.
Car des babouchkas, des néo-moujiks, des déclassés, des refusés et des refuzniks du système, on n’entendait guère parler, pas plus qu’aujourd’hui de la misère des Coréens du nord. Jean Kehayan [4], longtemps correspondant de l’AFP à Moscou, dépeint dans son ouvrage « Rue du prolétaire rouge » une scène poignante dans un supermarché d’Orange où ses hôtes soviétiques fondent en larmes devant la profusion des étals, comprenant soudainement l’escroquerie d’un système auquel ils avaient jusque là cru corps et âmes. Et c’est bien parce que mes photos montraient l’arrière des façades Potemkine et leur misère qu’elles étaient inacceptables au commissaire politique – il y en a nécessairement un – de l’Association des photographes de Chine.
Voir note en fin de page
Potemkine ne pouvait pas tenir et ça s’est effondré. Pour le malheur du prolétaire et le profit des oligarques, de l’est comme de l’ouest. L’URSS vivait tout simplement dans un monde fictif où n’avaient cours les lois d’airain de l’économie. Le confort, l’aisance, la santé ont un prix ne serait-ce qu’environnemental quand sont confondus stock et trésorerie, inventory and cash-flow : un seul exemple parmi une myriade, la mer d’Aral asséchée, trésor de biodiversité dilapidé pour quelques acres de coton !
Ain’t no such thing as a free meal
Mais à l’abri derrière leurs remparts, d’où ils lancent les rezzou qui leur ramènent, à eux et leur peuple des trésors dans les caisses, les empires et leurs peuples croient pouvoir s’affranchir des lois de la nécessité.
“There ain’t no such thing as a free lunch”, est le titre d’un ouvrage de l’économiste ultra-libéral Milton Friedman. Il reprend un dicton anglo-saxon populaire: “Un repas gratuit, ça n’existe pas ». Le pain doit être payé à son juste prix, sinon plus de boulangers, plus de laboureurs, plus de blé. Quelqu’un quelque part paie le juste prix. Le plus souvent celui qui occupe une position politique mineure quand bien même son nombre serait majeur.
“There ain’t no such thing as a free lunch”: dicton frappé au coin du bon sens à conditiond’immédiatement le nuancer massivement : « Pas de paix, pas de bonheur, pas de paix sociale si la société ne s’organise pour que chacun, sauf nécessité de maladie, vieillesse ou handicap, par son effort personnel et collectif, soit en mesure de se procurer dans le respect des autres et des nécessités universelles, les éléments indispensables à sa vie et celles de ses germons : nourriture, toit, vêtements, chaleur. Voilà les premiers droits humains ». La brioche ne remplace pas le pain. Il faut un jour payer le blé à sa juste valeur. Son prix se ne paie pas aujourd’hui, mais à tempérament sous l’horizon du court terme.
Imaginer qu’on puisse s’affranchir du consensus politique est aussi délirant et dangereux que de se croire libre des lois d’airain de la nécessité, économique, reproductive ou thermodynamique. C’est là bien pourtant l’illusion à quoi succombent les enfant gâtés grisonnants de Prométhée et des Trente glorieuses et leurs sauvageons rejetons. Les yeux aveuglés d’utopie, ils distribuent des bisous gluants de charité et de bons sentiments et s’imaginent toujours résider au sommet de la tour d’ivoire d’Occident dispensant sur le monde les lumières universelles de la raison.
Qu’il leur est doux de croire comme au bon vieux temps de la guerre froide, des Trente glorieuses, de la guerre du Vietnam et du flower power que les arbres montent jusqu’au ciel, comme on dit en bourse juste avant le crash. Qu’il est agréable d’imaginer que les gras avantages dont ils bénéficient dérogeraient à l’histoire, ne constitueraient nullement une conséquence des logiques de pillage des empires, de minerais, de bois précieux ou corps « d’exilés », tandis que leurs nobles âmes resteraient immaculées. Imbus toujours de leur supériorité, ils s’imaginent les tyrans fondre en larme à leurs protestations de caresses, les despotes comprenant soudainement combien ils sont méchants et nous gentils.
Aucun royaume, aucun empire ne résiste à terme à la colère populaire. Alors, il faut la guerre. La guerre qu’on déclare s’entend. Car la subir et se défendre, refuser la servilité, n’est pas la provoquer. Il faut une guerre, qui sacrifie tout à une menace supposée. Menace soigneusement entretenue par les régimes défaillants, car faute d’adhésion populaire, le bellicisme forme le ciment par défaut d’une nation. Ailleurs, faute de mieux et d’eschatologie, la croissance tient lieu d’étendard. Mais las, l’aisance économique a, elle aussi, un coût caché, celui colonial du pillage, celui de la guerre larvée sous les camouflages humanitaires ou missionnaires.
Nous Européens de l’Ouest, nous Français, ne sommes nous pas comme les Soviétiques d’Estonie, de Crimée, ou des satellites d’Allemagne, de Serbie… en train de regretter un paradis d’artifice tout habillé de généreux et hypocrites sentiments? Ne regrettons-nous pas le village Potemkine ? Ne regrettons-nous pas les belles couleurs et les fraîches peintures, le plein emploi, les généreux revenus, les confortables retraites consommées aujourd’hui aux débours du futur, de la jeunesse qui monte, ce prolétariat d’un type nouveau ? Et ces Trente glorieuses n’étaient-elles pas au fond – raffineries ici, assèchement des marécages partout (on dit zones humides aujourd’hui), remembrement, redressement des fleuves, raffineries, centrales nucléaires – le décalque inversé du socialisme soviétique ? N’était-ce pas de l’aisance à tempérament ? N’était-ce pas toujours du colonialisme pilleur d’humains qu’ont fit venir à grandes brassées nous enrichir, quand leurs bras et talents manquent aujourd’hui aux lieux où ils naquirent et d’où les extirpa la misère qu’on leur fit.
Car cette richesse que nous avions, n’était-elle pas le produit du pillage du barbare, du nègre resté encore enfant, de l’Indien natif incapable de faire rendre à ses terres le profit maximal [5] ? Et nos bons et généreux sentiments n’étaient-ils pas ceux que s’autorisent les riches au ventre plein et aux maisons chauffées, indignées par la grossièreté des sentiments obscurs de la populace et sans dents et raciste ? A Rome, au tournant de l’ère, certains nobles romains ne s’émurent-ils pas du mauvais traitement des esclaves, remontrant qu’ils nous serviraient mieux si on les traitait moins mal ? Spartacus et son armée de milliers soulevés montrèrent toute leur ingratitude.
Nous la France aux assemblées grisonnantes, à la pensée roidie comme nos articulations, n’en sommes nous pas à regretter notre union soviétique, celle du flower power et des hippies quand suivant Derrida et Foucault, nous voulions tout déconstruire, croyant que sur la coupe rase ou la page blanche de Mao renaîtrait une nouvelle forêt ? Qu’a donc poussé à la place ? Des Thiel, des Musk, des Trump, des Bezos ! Héros nouveaux des temps libertariens, ils prolifèrent sur la déconstruction, sur l’atomisation narcissique, sur la destruction sociale, qu’appelle de ses vœux Ayn Rand, dont rêvait Nietzsche et son surhomme gammé qui maniait le marteau comme aujourd’hui d’autres la tronçonneuse !
V.S. Naipaul, Indien d’Inde né à Trinidad et Tobago, écrivain, journaliste, grand voyageur à la pensée sensible nourrie d’une profuse expérience des peuples, montre au filigrane de son œuvre combien il est difficile à une nation de collectivement admettre son appauvrissement et plus encore soutenir l’amputation psychologique d’avoir chuté du trône.
Elle continue à jeter sur le monde le regard condescendant acquis comme un réflexe au temps de sa puissance. Erreur d’appréciation lourde de périlleux futurs quand s’ankylose la souplesse collective et se calcifient les alternatives que porte la jeunesse aux germinales exubérances.
Note: Pour être tout à fait honnête, je n’ai pas retrouvé les clichés publiés dans le Géo taïwanais, bien que j’en ai une mémoire toute photographique. Les deux premières images que présente le diaporama ci-dessus ne sont donc pas de l’Association des photographes de Chine, dont toute la production n’est pas au demeurant mauvaise. Ce serait faire insulte à certains miens collègues photographes de prétendre le contraire, surtout s’agissant de clichés clandestins réalisés par ces mêmes collègues en marge de leurs travaux officiels et circulant sous le manteau. Toutefois l’illustration que je propose est fidèle dans l’esprit (et même encore trop « bariolée ») à ceux qu’avait fourni l’Association des photographes de Chine.
[2] Potemkine, amant de Catherine II, fit dresser un décor de jolies façades le long de la route suivie par la tzarine pour masquer la misères des villages traversés lors de son inspection en Crimée où elle avait envoyés des fonds pour améliorer la vie de ses sujets. Fonds détournés comme il se doit en dictature. Gogol parle de cela dans « Le Révizor ».
[3] Comme il se voit dans un documentaire (en chinois sous titré en anglais) réalisé par un Coréen de Chine le long de la frontière entre les deux pays, seulement séparés par la rivière Yalu- 雅鲁河. Nombre de sino-coréens ont de la famille en Corée du nord. D’où l’intérêt des informations de première main qu’ils fournissent, d’autant que des contacts – pour des raisons de contrebande impliquant des garde-frontières nord-coréens – subsistent. Un témoin explique que lorsque la frontière n’était pas encore électrifiée, la police nord-coréenne venait même cambrioler des intérieurs chinois. Pour voler quoi ? De la nourriture ! Dans le dit documentaire, on peut comparer villes chinoises grouillantes d’activités et nord-coréennes désertes et mornes. On entend un sino-coréen expliquer que les belles villas qu’on voit à la frontière sont réservées aux cadres du régime – notamment ceux du nucléaire – qui viennent de Pyongyang s’y reposer avec leurs familles, capitale où ils ont la jouissance exclusive de centres commerciaux bien achalandés, de piscines, de centres de loisir, station de ski, etc.
Ces villas, proches à toucher de la rivière Yalu forment un contraste saisissant avec de misérables cahutes à proximité qui sont celles du « moujik » nord-coréen. La frontière a été électrifiée, car si jusque dans les années 80, Chine et Corée du nord étaient à parité en termes de pouvoir d’achat par tête, ce n’est plus le cas. Il est donc vital pour le régime que les Coréens du nord ne puissent visiter la Chine, se rendre compte de leurs yeux du fossé économique qui s’est creusé et des mensonges de leur gouvernement selon lequel l’Ouest n’est qu’un océan de misère et d’injustice, Ouest dont les agressions seraient la raison de la dure vie que mène la Corée contrainte de résister à l’ennemi. On note dans nombre de vidéos chinoises un mépris affiché envers les Coréens du nord, mépris qui se nourrit aussi envers les Russes, pour des raisons comparables. Quant aux apparatchiks et privilégiés du régime nord coréen, mieux informés de la situation internationale, il semble que parmi eux règne un intense alcoolisme tant est intense la pression de cette dissociation cognitive et le l’état de mensonge intérieur permanent qu’elle impose. On notera le parallèle avec la doxa officielle russe. Il ne faut pas douter que la situation nord-coréenne constituerait le destin de l’Europe si Vladimir Poutine et son allié Trump prenaient la main sur nos destins. Malgré mes recherches, la vidéo filmée le long de la rivière Yalu, dont j’avais enregistré la référence, semble à ranger parmi les « disparues » selon un message de You Tube.
[4] Jean Kéhayan fut président du Club de la presse de Marseille où je le rencontrai.
[5] Ainsi à l’Usine nouvelle de Crest (Drôme – mars 2025), des paysans indiens du Brésil, conviés par la Confédération paysanne expliquèrent-ils avoir reconquis leurs terres par la force. Dans le procès qui s’ensuivit leurs adversaires les accusèrent d’avoir laissé en friche des terres auparavant productives. Mais eux dirent que c’était volontaire, et non paresse, et qu’avait refleuri une flore et une faune auparavant appauvries par les cultures et engrais productifs.
Quelque part entre jungle et désert, le Sahel où pérégrinent les Peulhs. Devant moi assise sur une natte posée à même le sable une très jeune femme, et sur ses jambes croisées un bébé qu’elle allaite. A la manière dont on marque le rythme sur des cordes de guitare, de la main gauche elle caresse le sexe de son enfançon: il est en érection. Tout en tétant un sein il caresse doucement l’aréole de l’autre. Comme dans une forme de rêve, les pupilles dilatées de la jeune femme fixent un indéfini lointain. Il y a dans cette scène, sans gêne ni ambiguïté, comme une étrange et salubre sensualité. Ainsi doit-on former d’excellents et respectueux amants au sein de cette nation peulhe où les mâles se disputent les cœurs des jeunes femmes lors de concours de beauté.
J’ai suivi à l’université des cours de psychanalyse. Nul n’est parfait ! L’enseignante ne cessait de revenir sur le terme phallus. Aussi l’interrogeais-je sur la signification du mot : « Il ne faut pas le prendre au pied de la lettre. C’est un concept pivot, central, pas un objet ».
Ah !? Ainsi un phallus ne serait pas un phallus. Mais alors pourquoi précisément ce mot ? A cette réponse je songe toujours et m’interroge plus encore sur la perversité polymorphe que Freud prête à l’enfance peut-être pour masquer la sienne propre [1].
[1]Le « Livre noir de la psychanalyse », sous la direction de Catherine Meyer est un ouvrage collectif rassemblant quarante contributions empruntant à plusieurs champs disciplinaires et questionnant tant la scientificité de la psychanalyse et l’honnêteté morale voire délictuelle de son fondateur.
En Chinois, il est souvent difficile de donner le sens d’un caractère ou d’un groupe de caractère isolés. Ils ne trouvent une signification précise qu’en fonction de ce qui les entoure, de leur contexte. La bulle paradigmatique, l’aura sémantique de chacun des caractères est de sorte beaucoup plus ample que celle propre au mot alphabétique. Caractère et phrase chinoises résonnent ainsi l’un sur l’autre et ne font sens que dans cette interaction qui réduit la sphère des possibles à un sens actionnable.
Le plus extraordinaire est probablement qu’on puisse rapprocher la remarque ci-dessus de celle de Schrödinger sur « l’entremêlement » quantique [1] (on dirait aujourd’hui intrication), ses conséquences sur la mesure du temps et le flou inhérent à la mesure. Il est probable que nombre de monstres quantiques – au moins nous apparaissent-ils tels- sont pour d’autres cultures passées ou présentes des évidences, tandis que nos évidences leur paraissent délirantes. Ainsi le mythe relativiste du big bang (au-delà du mur de Planck du moins) inadmissible aux cultures pour lesquelles la création est surgissement actuel (et là on est en pleine quantique mais aussi en pleine incompatibilité avec la relativité), ou encore le temps chrétien pris en sandwich entre deux éternités, entre limbes et paradis.
La logique floue de la langue de caractère diffère de celle plus mécanique et linéaires des langues alphabétiques. Qu’aurait été la rhétorique d’Aristote fût il né en Chine ?
A ce constat, il faudrait en ajouter d’autres, comme la bidimensionnalité du caractère – qui le rapproche de l’expression mathématique – par contraste avec la linéarité alphabétique. Linéarité car les langues alphabétiques sont peu ou prou comme des enregistrements « au fil de l’eau » de la parole, ce qui n’est nullement le cas du chinois, qui articule un empilement de systèmes, du trait de base à la racine, puis à la combinaison de racines formant le caractère, puis la combinaison de ces caractères qui peuvent être des symboles abstraits (idéogrammes) ou concrets (pictogrammes) ainsi que quelques indications phonétiques.
De telles considérations peuvent paraître excessivement abstraites. C’est un grave tort de le penser. Parce que d’une part l’utilisation technique qu’on fait de la quantique gouverne le monde (l’IA, les téléphones portables, toute l’électronique reposent sur elle), mais parce qu’également la fable du big bang, et toute la métaphysique implicite de la relativité collent par trop précisément à la linéarité qu’impose la logique linéaire alphabétique, qui renvoie également au mythe chrétien de l’origine et de la fin des temps et donc imposent un certain sens à nos existences.
Relativité qui est un récit plaqué sur la phénoménalité au même titre que n’importe quelle théorie scientifique. L’anthropologie comparative a de longtemps noté que la théorie spéculative des champs eût probablement connu en Chine un développement plus ample et rapide n’eût le sous-continent été dépecé par les Puissances. La physique reflète aussi les rapports géopolitiques.
Au cœur de la théorie des champs gît la question irrésolue de la nature discrète ou continue du monde. Et c’est bien en s’appuyant sur Démocrite et Leucippe que Schrödinger entame sa réflexion sur cette question, soulignant ainsi les relations complexes entre nanomonde et réalité sensible. La question de Schrödinger du comment s’interpénètrent phénoménalité et psyché peut s’apercevoir également sous les lumières croisées (et leurs interférences) proposée par Wittgenstein [2], voire Lacan [3] , ou encore du corpus bouddhiste, Schrödinger ne renâclant pas à faire référence implicite à la notion d’âme, autrement dit à affronter et relier deux singularités irréductibles, l’univers « un » et la personne « un », deux types de « un » dont il s’agirait de démêler la nature et les relations. L’outil topologique semble taillé pour une telle étude. C’est aussi la question de Carlo Rovelli qui pose cette équation A*p=1. (Ici * est un opérateur hypothétique restant à inventer mais qui devrait pouvoir opérer en n dimensions).
[1] Erwin Schrödinger, « Physique quantique et représentation du monde », 1935
[2] “Les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde »
[3] « L’inconscient est structuré comme un langage »
Incroyable, impensable: ainsi il se peut composer et jouer une musique totalement moderne et pourtant profondément traditionnelle. Découverte choquante pour les tympans alignés du PAF !
Un trou d’eau dans un paysage à couper le souffle où touristes et locaux ont pris l’habitude depuis la nuit des temps (la grotte de Tautavel à proximité fréquentée depuis le paléolithique en témoigne) de venir faire trempette pour échapper aux canicules des Pyrénées orientales. Une histoire que raconte le film « Ici rugissaient les lions » de Laurine Estrade et Jean-Baptiste Bonnet, présentée ce 23 mars 2025 au Campus d’Eurre (26) dans le cadre de l’excellent festival « Les yeux dans l’eau ».
Mais voilà ce trou d’eau est le puisage unique du territoire. Avec la montée des températures et la « démocratisation » de la bagnole, sa fréquentation a explosé, ce qui n’est pas sans conséquences sur la potabilité des eaux ni les milieux naturels. Alors la préfecture décide d’interdire la baignade. Presque un réflexe depuis quelques décennies, où pour des raisons de responsabilité des édiles on a préféré la sécurité juridique à la liberté de se rafraîchir. Nécessité de rafraichissement de plus impérative, voire vitale, à mesure que la température monte. Du moins pour ceux qui n’ont pas les moyens d’avoir une piscine.
Les baigneurs ne l’entendaient pas de cette oreille et résistent de toute l’inertie que permettent le costume de bain et les flip-flop : le grillage devient étendoir à serviette, franchir les fils de fer offre l’occasion d’un peu d’assouplissement et aux gamin.e.s de cours préparatoire le panneau « Interdiction de baignade » de s’exercer à la lecture. Tant et si bien qu’en peu de temps le grillage pend lamentablement. Face à cette silencieuse vox populi, les autorités renoncent pitoyablement.
Une histoire de baignade qui ne pouvait manquer de résonner dans le Diois suite à la réhabilitation de la gravière des Freydières, entre Drôme et Grâne, qui souleva une vive contestation lors d’une présentation du projet à la salle communale d’Allex, où l’auteur de ces lignes était présent. Pourtant, un peu à la manière des zones à faible émission (ZFE), le projet était, sous un certain angle, exemplaire. Exemplarité dont témoignèrent Lucile Beguin, conservatrice de la réserve naturelle des Ramières, ou encore un écologue travaillant à la réhabilitation du Roubion. Où alors était le problème ? Que demandaient les contestataires ?
La démocratie directe ! Pas si simple. Lors de la réunion houleuse à Allex, Gérard Crozier, maire de la cité et président du Syndicat mixte de la rivière Drôme (SMRD) s’offusqua: « Toutes les formes démocratiques ont été respectées ». Frédéric Tron, élu communautaire et membre de la Commission locale de l’eau (CLE) soulignait : « Il arrive qu’une poignée seulement de personnes se présente aux réunions, malgré une débauche d’efforts de communication ».
Pas simple la démocratie. A torts partagés, de bas en haut mais surtout de haut en bas, trop souvent la conséquence de mauvaises habitudes d’énarques incrustrées comme des réflexes pavloviens. « Les locaux estiment avoir un droit d’usage et de regard sur le territoire où ils vivent », expliqua en substance Cédric Proust, animateur du schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) du SMRD. Pourtant « on peut s’interroger sur les raisons pour lesquelles la commune en question ne dispose que d’un unique captage d’eau potable. C’est une vulnérabilité. Pourquoi la préfecture s’en remet-elle sans plus d’esprit critique au seul jugement des experts scientifiques, à L’Agence régionale de santé, sans prendre en considération les besoins des habitants ? ». « Les aspect psycho-sociaux et culturels de l’usage de l’eau ne sont pas pris en compte. Lorsqu’on aborde la question de l’eau potable avec les maires, on sent bien l’épaisseur symbolique de la question », complète Jean-Baptiste Narcy, du cabinet Asca spécialiste des aspects psycho-sociaux de l’usage des eaux. Manon des sources ne le démentirait pas. A Allex, certaines critiques allaient bien dans ce sens : « On se baigne dans le lac des Freydières depuis qu’on est gamin ».
Pas simple la démocratie, ce détestable moyen – à l’exception de tous les autres – de résoudre les conflits surtout quand bien des millefeuilles convergent pour la rendre complexe et inefficace. « Les gens ne voient pas de quel droit on les priverait de contact avec leur territoire. Ils veulent se baigner en rivière. Mais qui dit baignade dit stationnement. Stationnement souvent sur le domaine du département. Ou bien il faut emprunter des voies vicinales, responsabilité du maire. Les déchets sont du ressort de l’intercommunalité. Et s’il faut traverser des terrains privés, c’est une source de conflit avec les propriétaires. Très, très compliqué », soupirait Frédéric Tron. Presque un constat d’impuissance. Qu’est la démocratie quand elle est vaine, questionnait Deng Xiaoping (jadis numéro un chinois) ? : « Les démocraties sont impuissantes, les tyrannies efficaces ».
Une complexité à porter à la puissance impuissante de 34955, le nombre faramineux, inconnu partout ailleurs en Europe, des communes hexagonales. Une mosaïque kaléidoscopique qui fait songer à la situation pré-révolutionnaire quand dans la France d’Ancien régime coexistaient, de cité en cité, régimes fiscaux, matrimoniaux et patrimoniaux (héritage), poids et mesures, dans une intrication proprement paralysante, barrant le futur et rendant épuisant le moindre effort pour changer quoi que ce soit. Or pourtant Talleyrand affirmait : « Qui n’a pas vécu dans les années voisines de 1789 ne sait pas ce que c’est que le plaisir de vivre ». Douceur de vivre, mais pour certains seulement. Et pour les autres ni pain et encore moins de brioche ! D’où la conflagration révolutionnaire. Commotion de violence, qui est bien le pire des moyens, sans exception aucune, pour ne rien changer au fond mais au contraire renouveler le pire.
Méfions-nous de voguer en de si proches et dangereux parages entre Charybde et Scylla. Car si les trublions d’Allex ont manifesté une certaine tendance à confondre démocratie directe et coup d’Etat direct – genre assaut contre le Capitole – rester dans le statu quo, ne proposer que des solutions à la marge sans s’attaquer à la racine des maux, c’est à coup sûr condamner à une mortelle dessiccation une démocratie assoiffée[1].
[1] Sur la question de la démocratie, de ses lacunes et de pistes pour l’améliorer, lire « Tirage au sort et imparfaites démocraties » du présent auteur, aux Editions Yves Michel/Le Souffle d’Or.
La Chine n’utilisant pas l’alphabet, elle a mis au point une transcription officielle afin de siniser les noms propres en écriture « latine ».
Crest s’écrit ainsi : 克雷斯特, qui se dit (approximativement) : Kè léi sī tè.
L’idéal est qu’un nom propre ressemble phonétiquement à l’original mais ait EN PLUS une « jolie » signification. Par exemple Coca Cola, se dit 可口可乐 : kěkǒukělè : « Le gouleyant qui rend joyeux ».
En se tortillant les méninges, on pourrait dire de Crest, sans chauvinisme aucun, qu’elle est : « (la cité) incomparable qui maîtrise le tonnerre ». Il est vrai que la région enregistre des niveaux kérauniques (le nombre de jours où s’entend le tonnerre) exceptionnels, mais le lien avec Taranis, dieu gaulois du tonnerre et donc des Voconces est purement poétique.
La Drôme, quant à elle, a d’emblée un très grand nom : 徳龙省 : Dé lóng shěng
德 – dé – la voie de la vertu, de la morale, de l’éthique, de la bonté. C’est l’une des vertus cardinales du confucianisme. 龙 – lóng – le dragon, animal totémique de la Chine 省 – shěng – la région
La Drôme en chinois ? « La région sur la voie de l’éthique du dragon ». Immense signification !
A noter que 龙 – lóng – le dragon – s’écrit aussi : 龍 . En effet, une bonne partie des caractères chinois possède deux écritures, l’une simplifiée, l’autre classique. On peut voir cette forme classique – 龍 – gravée sur le monument à la mémoire de Maurice Long, au cimetière de la remarquable chapelle Saint Pierre de Chabrillan, dont les murs semble-t-il retiennent d’antiques graffitis grecs et peut-être aussi arabe (voir photo : déchiffrage bienvenu). Maurice Long – 1826-1923 – fut gouverneur général de l’Indochine, député de la Drôme. Il a laissé son nom à l’une des rues de Crest.
Grande est la misère musicale de nos oreilles saturées d’accords anglo-saxons exclusivement qui font de l’argent en projetant dans nos encéphales l’esthétique de leur monde.
Chaque peuple a la sienne ! Qu’entendons nous d’autre, nous autres Européens, que cette uniformité lassante, pas même les airs d’Europe ? Déjà privé des musiques voisines, qu’entendons-nous du reste du monde, nos oreilles orphelines des airs du nord, de l’est, du sud ? La présente page entend modestement remédier à cette engourdissement musical qui bloque le futur.
Cette première vidéo « Musique du monde » est dédiée à Mahsa Amini. Mahsa Amini est cette jeune iranienne assassinée en septembre 2022 par la police des mœurs parce qu’elle ne portait pas le voile.
Pour honorer sa mémoire, voici l’Ensemble Ilahi qui joue ici « L’épique kalam Haq Ali Ali » de feu Ustad Nusrat Fateh Ali Khan, interprète mondialement connu, de tradition soufi qawwali accueillante aux voix des femmes. L’Ensemble Ilahi est remarquable puisque d’abord féminin et pakistanais, pays où Islam tolérant et Islam rigoriste, Occident et Boudhisme sont front à front. La portée métaphysique de ce chant soufi, parce qu’il féminin, est vertigineuse.
Il y a des îles où on s’ennuie des îles mornes aux jours interminables des îles où l’horizon se perd dans le brouillard et derrière le brouillard toujours la brûme
des îles qui distillent des tourbes humides froides et acides comme un renvoi le lendemain d’un jour de cuite
des îles fades comme la soupe d’un poireau jeté dans la Baltique des îles aux rives moroses cirrhose à la lumière de cave comme un jour pas vraiment levé rampant entre aube et crépuscule
des îles grises, dans l’attente imprécise d’une menace indécise venue de derrière les frimas, la buée une serre sur le cœur lassée de mélancolie
des îles où l’on s’ennuie par mode de vie ce sont les…
Radima Khadzhimuradova – Радима Хаджимурадова – est une célèbre chanteuse tchéthène aux accents profondément émouvants. Que d’informations dans cette vidéo où se sentent presque palpables la dictature et l’oppression des femmes dont les visages – tristesse et désespoir – sont dénués de sourire !
Stricte partition des sexes et mâles portant sur leur mine comme un air de mafia. Les dictatures ne sont pas seulement des utopies réelles: elles tuent aussi le sourire et la joie.
La personne semblant peu apprécier qu’on la filme est une ancienne gloire de la chanson tchétchène. Je n’ai pu obtenir une traduction des paroles de cette chanson.
Comme ces sources étonnantes où Borvo se mire dans l’azur d’une vasque de pleine lune et un bassin carré, la Chine repose sur une tortue animal singulier à la carapace ronde dessus et carrée en dessous.
π se devine en gésine dans l’ondoiement des formes, entre réel et rationnel. Mais au fond de la boîte de Pandore guette l’œil sombre de l’hydre du lemme les pyramides de nombres, du Big Data, de l’IA !
Naïfs et confiants fellahs, scribes, manouvriers, marchands, seigneurs, prêtres servent les puissants, mais tous ignorent sous les guises de l’histoire le fond de leur moteur
L’histoire semble passer lentement goutte à goutte, jour à jour, saison après saison. Mais vu des empires qui défilent, des espèces qui fluent et des magmas qui roulent le spectacle est fugace
Seul Dieu, s’il existe ce Polyphème borgne, possède la clé du film qu’il rejoue à sa guise projetée à vitesse réglable sur un écran de nuages assis dans un fauteuil du même bois tout piqué d’étoiles et de comètes
« J’écris les chiffres que je dis je dis les chiffres que j’écris ». Voici l’amorce. En quelques itérations elle déchaîne l’explosion logique des instants et des nombres. La parole fut pour l’homme l’étincelle qui démarra l’ouragan cognitif. Il dura plusieurs millénaires montrant un pic exponentiel avant l’effondrement.
« N’ayant su domestiquer son animalité. imbue de la puissance de son illusoire raison l’espèce dont je vous parle n’a pas su inventer une sentience adéquate des règles, un désir, un projet, des rêve viables. L’accident, quasi instantané, est tout au plus vieux d’une dizaine de millénaire. Le groupe rescapé…une centaine de milliers…c’est bien ça ?… – Non, Votre Omniscience, une dizaine, susurra d’une voix de flûte une elfe timide. Où avais-Je la tête ? Dieu la bénit et reprit: Le groupe rescapé, disais-Je, est sorti de la liste des espèces en danger – sinon à quoi ça sert que Dieu y se décarcasse ? – galéja le Tout Puissant. Elle est trop mal stabilisée pour être encore baptisée. Le recul manque pour savoir si le reliquat encaissera l’uppercut, prolongera ou non son genre et dans quelle voix.
Mais le principe d’un suivi régulier est acquis : 1 -point d’étape séculaire 2 -suivi de détail tous les millénaires bissextiles, 3 – revue générale chaque million d’années, 4 -même date, même heure, même lieu, en espace temps local évidemment 5 -restez branchés qu’on puisse vous toucher 7/24 ! Pas plus de trois ou quatre éternités de retard. Je serai intransigeant ! En cas de doute, demandez à Cantor. Good job guys !’
conclut Dieu, toujours aussi patriarcal et avare de louanges, en rompant l’intemporel conclave d’anges aux genres indécis qui s’envolèrent dans un grand frou-frou d’ailes versicolore.
Le crash fut lourd. Massifs et lents paquebots les cultures s’ancrent dans l’humus des symboles et credo résilients comme chiendent funestes ou fortunés plus lourds à manœuvrer que redresser les fleuves creuser les mines bâtir les aciéries
Ils s’imaginaient faire renaître des dinosaures, les aurochs… Mais pas plus qu’on ne démélange un expresso noisette jamais les gènes ne remontent le flux. Incapable de se remaçonner la montagne s’effondre
La vie ne tiendrait pas sans qu’à l’intime de nos métabolismes s’associent ribosomes, bacilles, blastes, pour sans cesse reconstruire le corps qui nous maintient vivants dans nos carapaces de villes nos glaires de symboles de sentiences, de savoirs et de sciences qui convergent pour arracher Narcisse au puits des passions brunes dont fond duquel il imagine l’étroite lunette bleue au-dessus de sa tête embrasser tout le ciel avant que cède une rustine ou pète l’anévrisme.
Tout le vivant partage à même lot le fardeau d’entretenir la flamme d’acquérir carburant, comburant excréter les toxiques de sa vitale combustion âpre realpolitik de la thermodynamique vivre est un travail, un effort, une douleur sarvam dukham !
De l’avoir oublié est mort à tout jamais homo sapiens sapiens tel qu’il serait devenu sans la catastrophe que sa démesure causa.
Si elle survit, l’espèce sera neuve héritant seulement d’une fraction des gènes du stock d’avant l’étranglement racine pivot d’un vortex de novo qui ne sera plus homo sapiens sapiens.
Le béton est le récif en moins beau, que se bâtit l’humain comme le polype exsude son corail Ses tours, ses ponts, ses ports moulent son espace-temps, comme l’hydre construit le sien dans l’expérience de son corps tuyau où courent les fluides.
L’amibe ignore la boite de Pétri où elle se vautre et bâfre, pas plus que le fleuve ne sent les berges entre lesquelles il coule pas plus que le mollusque dans sa tunique de gélatine n’interroge ses raisons de coller au récif.
Pas plus encore que les fourmis n’ont le plan des fraîches mégapoles myrmicoles à l’urbanisme tout rationnel qu’elles bâtissent sous terre, les humains n’aperçoivent les facettes du cristal où joue en vase clos leur aveugle entendement dans le clair bocal des évidences obscures.
Au ponant, des bâtées de béton, de plexiglass, d’acier, de macadam, de silicium, coulent dans leurs caboches et dans leurs iris flamboie un lourd soleil rouge saignant aux miroirs polis des gratte-ciel, où claquent les oriflammes des républiques, des empires.
Ils se livrent de furieuses guerres de gènes grimées d’oripeaux d’honneur et de culture. Ils s’imaginaient faire renaître les dinosaures, les aurochs…
« Te souvient-il, Pierre, de nos jeunes jours quand munis de percuteurs de pierre dure des montagnes achetés cher deux grains d’ambre dans un grand concours de danses de fleurs, de couleurs sur la peau et les jeunes corps en ronde mimant autour de nous la course des bolides au ciel ici même en ce lieu vénéré de tous temps par nos pères et mères où sourd l’eau pérenne nous taillâmes ces deux vasques peu profondes, l’une ronde, l’autre carrée avec entre elles une rigole ? -Comme si c’était hier ! »
Lentement l’encre nocturne remplace l’azur. Sous la lune qui prend la veille, le marbre luit, poli du frottement des étoffes. En contrebas, sur l’hémicycle, quelques lampes à huile vacillent et dans l’obscurité qui épaissit, projettent dans l’agora des ombres géantes. Les plus grands orateurs ont défilé sous ces sphères, des étrangers célèbres, des devins, des mages, des hyperboréens velus et des Noirs crépus, des Egyptiens, des marchands, des espions et même quelques gymnosophistes venus à grands périls d’au-delà des déserts sur le dos de chameaux à deux bosses.
– « Est raisonnable le raisonnement bien conformé sans schisme logique, qui décrit le réel », clame l’ombre géante d’un index, celui d’un homme peut-être trentenaire aux maxillaires carrés, nets, bien rasé, une fibule d’or à l’épaule. « Les chevaux borgnes ne sont pas chers, mais Athènes pour faire la guerre achète les plus belles cabales. Oui, la logique philosophique, voilà la supériorité d’Athènes… »
– « Tu l’as déjà dit, jeune homme », coupe un vieillard. « Qui confondrait une haridelle et un destrier ? Qui serait sot assez, même sans connaître les signes, pour échanger son or contre une haquenée borgne ? Même pas tes pères, beau jeune homme. Je les ai bien connus. Quand ils avaient leurs jambes, pour vaincre ou rester vivants, ils s’élançaient comme fous derrière l’égide. Comme leurs pères avant eux, ils rejoignaient les montagnes assister aux mystères. Les dieux les chevauchaient comme les autres. Autour de la faille omphalique, tes pères bien mieux que toi comprenaient l’importance de nos cérémonies, quand nous jouions, ensemble, tous, hommes, femmes, enfants, vieillards, la comédie et le drame de nos vies. N’est-ce pas d’une femme Scythe, il y bien des générations de cela, que provient ton germon ? N’est-ce pas de l’un des Argonautes qu’elle enfanta tes pères ? Elle était parente de Médée, initiée aux cérémonies des hyperboréens, aux mystères qui se jouent sous le dôme enterré dans les vapeurs d’herbe et les effluves du sol ? Ses filles, tes aïeules, n’ont-elle pas visité les mages de Perse, les prêtres d’Egypte ? N’avait-elle pas recueilli les chants des Garamantes, les murmures de Cassiopée, les poèmes de Saba, et ouï dire des hommes singes velus de l’Afrique chevelue ? Ta grand-mère elle-même, jeune homme bien rasé, ne vivait-elle pas dans les grottes de karst, en compagnie des sangliers, dans les collines du Nord où vivaient jadis les Cyclopes, où sont encore vivants les vieux cultes ? N’était-elle pas partie longtemps vers l’Est, au-delà du pays des mages, là où les ascètes adorent un dieu aux mille bras et au collier de crânes ? Ne parlait-elle pas de ces royaumes lointains baignés à ces rivages d’où sort Apollon sur son char, consumés d’interminables guerres dont nous ne savons rien ? On m’a dit qu’une grande couleuvre mâle partageait même son antre. Ta grand-mère, beau philosophe, n’était-elle pas pythonisse ? »
La raison contre les mythes
– « Superstition, tyrannies des mythes ! Nous, philosophes, luttons pour dégager l’entendement de la gangue ancienne de la magie, des cosmogonies archaïques, des royautés enracinées dans le despotisme des mystères. La déduction qu’on fait sur l’hypothèse qu’on avance et que le réel confirme : voilà le credo. Sinon quoi ? Sinon l’émotion, la folie passagère, le démagogue qui flatte la foule, qui l’excite, qui l’enflamme, la lance par la ville forcer les portes des greniers et allumer des feux ? Ou bien préfères-tu, vieil homme, l’archaïque carcan des antiennes magiques, le vieil ordre croulant où vous les chamanes et les rois, vous entendiez si bien pour corseter l’univers et l’homme ?»
– « Les Athéniens en veulent toujours plus », tonitrue une voix forte résonnant d’accents d’airain et de marteau. « Ils ont raison d’être gourmands et ambitieux. Pourquoi ? Parce qu’ils sont raisonnables. Oui, la raison fait la grandeur d’Athènes. La raison est le fondement de sa supériorité politique et morale. Elle l’autorise à revendiquer l’hegemon sur les autres cités. Périclès les fédère pour leur bien. Elles doivent comprendre la beauté, la bonté et le juste d’Athènes.»
Spirale d’Ulam: rangement ordonné des nombres premiers, indice d’une structure cachée présidant à leur répartition parmi les entiers, mystère parmi les mystères qu’approche la fonction Zéta.
– « Elle est belle ta raison. Elle est belle la démocratie », gouaille d’au-delà la margelle, depuis l’ombre violine une voix au fort accent rempli de borborygmes. « Périclès l’a imposée aux cités fédérées, comme une punition. La démocratie ou l’invasion, la démocratie ou les camps militaires aux portes de la cité ! Périclès a trahi. Le monde nouveau que tu décris est celui d’un début trahi. Mais, je te l’accorde : ce siècle est une première expérience où tout est déjà en germe.»
– « Tant d’hommes de talent rassemblés à Athènes, en si peu de temps, sur si peu d’espace ! » s’emporte un jeune homme maigre à la toge douteuse, à la tignasse de nattes formant masse sous le bonnet de maille. « Est-ce leur génie ? Ou n’est-ce que l’occasion ? Quand la paix règne, quand l’or et l’argent circulent, le plus stupide des colporteurs remplit sa bourse. Génies de pacotille, talents d’occasion, talents factices, talents à la mode ! »
– «Talents sonnants et trébuchants, pour ça oui ! » coupe un homme depuis l’ombre. « Parlons-en des élites ! Socrate, Platon, Aristote, Périclès, Hérodote, Alexandre ? Tous cul et chemise. La même bande. Quelle autre raison plus grande a donc bien ta raison, ô beau philosophe rasé, sinon que de servir les puissants ?»
logique du conte, logique du compte
– « Votre raison », reprend le jeune homme maigre à la tignasse filasse, « c’est la logique du fer : la loi, la norme, la règle, celle que vous gravez à toutes les stèles de pierre plantées aux carrefours. Et même vous l’avez fondue dans le bronze ! Nos pères, les pères de nos pères, préféraient à vos lois la souplesse de la parole, l’accord, l’harmonie.»
– « Ne vois-tu pas que le monde a changé ? » rétorque index encoléré le philosophe aux maxillaires carrés. « Comment les vieilles coutumes pourraient-elles encore répondre aux défis d’aujourd’hui ? Jadis, toi vieillard que mes pères ont connu, tu prenais une barque, tu tournais le cap : les lois avaient changé, les temples abritaient d’autres dieux. C’était il y a longtemps. Les vaisseaux pansus, que protègent nos trirèmes, aujourd’hui nous mènent en quelques jours à Sidon, Tyr, Memphis, Cyrène, Syracuse, à Agathé Tyché ou Massa. Depuis, d’autres dieux ont rejoint dans le temple l’idole poliade. D’hors les murs ont afflué les métèques, les esclaves, les miséreux des collines et des plateaux trop arides, trop peuplés. La puissante Perse menace. Aristote peut bien conseiller l’autarcie. Si Athènes ne s’était pas tournée vers la mer, si Périclès n’avait pas imposé notre démocratie, nous échangerions encore nos sardines sèches contre l’orge plein de cailloux de Lacédémone !»
– « Vous chamanes, chenus ou jeunes, prétendus philosophes et véritables errants, n’êtes qu’une bande d’idéalistes, de rêveurs. Je construis des galères au Pyrhée. Je travaille dur, moi. Je fais commerce avec ceux du Pont. J’ai même, en ce moment peut-être, un navire au-delà des piliers d’Héraclès, parti chercher l’étain. J’importe le blé de Colchide, que vous mangez ici. Le pain de froment, vous en voulez bien, hein ? Mais vous ne voulez pas des règles, des sceaux, des mesures, des étalons pour l’acheter ! Comment sans eux fonctionnerait le commerce, sans des règles reconnues partout et par tous les marchands? Finies les disputes, les comptes et les cargaisons au jugé. Les lois faites sous le sceau de la raison sont bonnes pour le commerce. Athènes a écrit les paroles exactes. Tant mieux pour nous que ce soit elle qui l’ait fait ! »
– « Le sceau de la raison ? » rugit l’homme de l’ombre. « De raison, tu as la bouche pleine, et les bras chargés de plans de machines, de roues à dent, de cages d’écureuil, de poulies, de moufles, de bigues, de chèvres. Tu penses comme un calame, et non pas comme un homme. La belle mécanique ! Les portefaix par centaines que tu as débauchés, mourant de faim au bord des routes, entassés aux faubourgs dans des dolia crevées. Tu préfères tes engrenages aux travailleurs libres ! Même les esclaves pour toi mangent trop encore. Les engrenages ne mangent pas, ne se plaignent pas, ne réclament pas. Ta logique est celle du livre de compte. La voilà ta raison. La raison de ta raison. Ta mécanique est l’outil des patriciens, des trafiquants au grand large, l’outil du pouvoir de ta classe ! »
– « Les engrenages », renchérit le chamane à la tignasse, « conviennent bien aux machines. Mais comment pourraient-ils nous dire pourquoi reviennent les jours, les saisons, les moissons ? Vos articulations logiques sont souples comme les maillons d’une chaîne. Vos mètres et vos péroraisons de parchemin sont cassantes et rigides: on croirait l’insecte, et ses segments de chitine, pliant à peine aux joints. Notre mètre n’a besoin ni de calame, ni de stylet, ni de parchemin : il est en nous. Python seul a la souplesse nécessaire de dire au cœur des hommes les paroles qui cernent le futur. Platon même, quand il est au bout de ses raisons, revient au savoir bien usé, bien sûr, bien mûr des mages, seuls capables de faire leur part aux mystères. En peu de mots leurs bouches disent les mythes dont des mers de signes n’effleurent pas même le sens. Socrate raisonne et n’écrit pas : ses convives banquètent. La nourriture entre par la bouche des convives et la sagesse en sort. Comment pourras-tu jamais démontrer comment les enfants aiment leurs parents ? Crois-tu qu’on peut apprendre dans les livres ce que l’on est soi-même ? Crois-tu que les masques au théâtre, tout à l’heure, ici même, ne raconteront pas nos mystères bien mieux que, le licol sur la nuque, les scribes des rois, leurs nobles, leurs philosophes, leurs régisseurs, leurs marchands, leurs esclaves affranchis ? »
Parler est barbare
– « Tu insultes le savoir, sophiste ! », raille le philosophe carré de la mâchoire. « Tu insultes la science, toi qui la vends, contre argent, comme des carottes, à des marchands grossiers qui n’ont que leurs drachmes à la bouche, celui qu’ils dépensent pour ta rétribution, celui que leurs enfants gagneront grâce à ton verbe maquignon. Avocat parfois, précepteur de gosses de parvenus tantôt, secrétaire ici, rédacteur là, traducteur parfois, au gré de tes embauches : un colporteur n’est pas un philosophe. Oui, l’écriture est le savoir des rois. Oui, ses régisseurs gèrent ses domaines. Oui ses scribes notent l’or, l’argent, les pierres, les trophées, la richesse des citoyens, les contributions des alliés à la beauté d’Athènes. Oui la raison sert les rois, le mérite, la valeur, le beau. Oui, le fort est le maître de la raison ! » »
– « Ta raison te trompe », rétorque l’homme à la toge douteuse, « car si à quelque question qu’on pose, l’univers répondait par l’affirmative ? Se ferait-il que l’on puisse trouver quelque preuve à n’importe quelle conjecture ? Parce que l’étendue limitée des conjectures, infiniment inappropriées à leur objet, fait que toujours existe quelque partie du vrai qui les confirme ? »
– « La parole » continue le vieillard, « n’est pas une loi qu’on grave dans la pierre. Elle est utile. Elle se décide. Elle se plie, elle s’adapte. Nos ancêtres la façonnaient à l’ombre de l’olivier millénaire, martelée longuement comme le forgeron la lame de bronze. Longs conciliabules et braves péroraisons. Et quand les gorges s’asséchaient, quand le souffle collectif chancelait, les aèdes pour le réanimer entonnaient encore les généalogies, les exploits des héros, les épopées anciennes. Sous le dôme à demi-enterré, on racontait les rêves, les angoisses, la torsion des viscères, la peur des esprits et des sorts que jettent les envieux. Alors quelqu’un s’écriait : toi là-bas, pourquoi m’en veux-tu ? Une voix entonnait le chant des symboles qui pansent. La voix partagée soignait les griefs, la colère, l’envie, les jalousies, les complots, les maladies du corps, les maladies de l’esprit enfermé dans le corps, et celles de l’esprit qui contient tous les corps. Toi qui respectes le théâtre qu’on va jouer bientôt ici, ce soir, au milieu de ces bancs, ne sais-tu pas que ses racines puisent au vieux culte ? Ne sais-tu pas que la raison est bien faible pour soigner les maux qui n’ont pas de nom !
– « Les charlatans… », reprend après une pause le vieillard d’une voix assombrie, « les charlatans vendent des potions dont l’efficace réside dans le secret jaloux de leur fabrication et le monopole de leur distribution. Les vrais thérapeutes – leur peau sent la chèvre et non le baume – soignent l’homme en entier. Ils soignent par la parole pour ce qu’on veut bien leur donner. Seule l’évocation, la parole, la musique, l’image vivante, recèlent l’efficace. »
– « Socrate n’a jamais écrit une ligne, sauf pour la liste des courses qu’il donnait à faire à ses esclaves », persifle une voix depuis l’ombre ceignant l’amphithéâtre.
– « Platon lui-même » continue le philosophe filasse à la toge crasseuse, « hésite à confier pleinement au calame les paroles du maître, comme si l’instrument ne suffisait pas à contenir sa pensée. L’élève a ouvert les bondes. Après lui, nous le sentons bien, les scribes le diront sans plus de retenue : parler est barbare. »
Parole d’air, parole de pierre
– « Mon jeune ami a raison », s’anime le patriarche. « Les scribes n’aiment pas la parole au vol ailé. Ils n’aiment pas l’agora. Ils n’aiment pas les mots qui vont du pair au pair. Ils les veulent serrés, scellés, dans des bibliothèques, indexés, conservés, surveillés, bien gardés. Ils veulent la langue fossile, figée, servile. Bientôt leurs signes deviendront la nourriture unique de l’idée.»
– « Vieux chamane, qui connut mes aïeux, ne comprends-tu pas que les signes de Platon voyagent bien plus loin dans l’histoire, sur les mers et les routes, que les discours qui fuient avec la brise du temps et meurent avec les bouches ? Platon, Aristote surtout, défendent le privilège de la raison d’édifier l’ultime savoir, comme moellon après moellon on érige la muraille. Ecrire, c’est poser. Et sur cette première pierre construire. Bâtir, édifier, plus haut, toujours plus haut, et gagner en puissance. Le papyrus et le calame sont les outils de la raison. Un jour, grâce à eux, ratio et être s’identifieront. Pourquoi refuser de vivre avec ton temps, pourquoi refuser le progrès ? Veux-tu t’en retourner dans la caverne des pythonisses, Vieillard ? »
– « La caverne des Pythonisses est à l’abri de la foudre de Zeus, jeune homme dont j’ai connu le géniteur. L’homme bientôt ploiera sous le joug de sa propre raison. Après Platon, après Aristote, j’en suis sûr, viendra la longue théorie des demi-dieux, des demi-philosophes, des prophètes borgnes, qui diront que l’homme peut égaler le démiurge. Un jour viendra où l’homme se croira l’héritier raisonnable de dieu. Il se croira le maître du drame, quand il ne sera plus au théâtre des simulacres que la marionnette de sa nature. Je te le dis, jeune homme bien rasé: le savoir des scribes n’est qu’un voile de plus sur le visage du vrai. Oui, je le crains, le monde pivote aujourd’hui entre la parole d’air et la parole de pierre.
Certains n’ont que celle-là. Les paroles des modestes, de ceux-là, là haut, assis en dehors du cercle, leurs paroles s’envolent et comptent peu. Les autres font venir de Corinthe des blocs de marbre pour y graver leurs mots et en faire des lois. Ils font de l’agora l’annexe de leurs bibliothèques. La justice de l’olivier n’a besoin que de bouches, non pas de sceaux, non pas d’annales, non pas d’archives, non pas de coffres, non pas de scribes, non pas de secrétaires. Entre les chants des aèdes et les bibliothèques des riches, entre la parole et le stylet, entre la science des signes et le savoir des hommes, oui, le monde pivote comme ces étoiles au-dessus de nos têtes. Ton écriture, philosophe, bâillonnera trop longtemps la bouche des vivants. Vous vous trompez, nobles jeunes gens entogés. Votre jeune savoir n’est que jeune, non pas universel !
Combien de temps fera-t-il illusion : quarante, cent générations ? Les illusions de la raison ne sont pas éternelles. Sous l’écorce de l’arbre, non, l’alliance n’est pas rompue. La césure n’est pas définitive. Sous la croûte, le vieux monde des contes, des palabres, des métaphores qui aident à vivre grouille, vivace. Mais quand les mains des hommes seront brûlées, leurs papyrus réduits en cendre, c’est avec leurs gorges, leurs sanglots, leurs cris, leurs soupirs, leurs murmures, leurs caresses, qu’ils se réconforteront, se reconnaîtront, et décideront, sur l’agora, de leur destin nouveau. Car voilà maintenant ma question : comment déchirer les voiles dont vous recouvrez l’être ? »
Marco Polo est un escroc
Marco Polo est un escroc. L’escroc est libre. Il ne sert aucun maître. Ce maître qui n’est le plus souvent qu’un autre escroc. Il persuade les autres que leur bien est le sien, son bien le leur. S’il escroque l’élite, l’escroc est de talent. Cela se voit souvent. Question d’expérience et de temps : au fond la même chose. Mais aussi, il sait beaucoup de choses sans les avoir apprises : une seule pensée, une seule fulgurance sans instant, germinale, souvent suffit. Deux présents courent parallèles, chacun dotés d’un passé, d’un futur. Ils sont là par éclipses, bien que jamais absents. Temps bâtard et solipsiste, comme un décalage horaire qui n’en finit jamais. Présents croisés d’expérience où le temps subit un intime pincement. Quelles valeurs ont la durée, l’histoire, les fins, l’origine, le progrès, quand le temps vacille ? Entre les quatre murs de sa geôle génoise, entre les quatre même murs, jour après jour, à son compagnon d’infortune, Marco Polo relate ses pérégrinations. Tout le temps se joue là. Quelles collisions d’images dans l’espace mental clos de cette geôle !
Les paroles de Marco évoquaient tant de couleurs, de formes, d’émotions, de lieux, de langues : souvenir du départ, de la lagune brillant immobile, plaqué en transparence sur le spectacle, anxieux incongru, du retour. Marco Polo et Venise avaient pris vingt ans. Venise ne brillait plus de la naïveté de la jeunesse. Les femmes avaient vieilli. Dissipé, le halo d’idéal dont l’avait parée l’exil. Où est Venise ? Maintenant ? Il y a vingt ans ? Qui dit plus vrai sur Venise ? Les souvenirs de Marco ? Ceux de qui n’ont jamais quitté la lagune ? Quelle absence a le plus de sens ? Le présent a sauté d’un rayon. L’un est ici vivant, l’autre, en contre-bas de la mémoire, perdure. Le doute s’instille. Il bave comme l’encre sur le buvard. Il contamine bientôt, tout le présent et les segments de la vie désarticulée, présentent la transparence de leur flanc. Alors le monde ne fournit plus de si nettes évidences. Les a priori sédentaires font grincer l’oreille et souffrir. Non le scribe ne peut pas comprendre cette faille, le cisaillement intime du temps. El Million est l’histoire d’une faillite.
Etrange étrangeté, la durée comme au travers d’une vitre, double reflet face à face dans l’épaisseur invisible du verre. Marco, le front plombé, soupèse ce double présent indécis. Appartenance confuse entre ici et ailleurs, aujourd’hui et hier. Je contemple les hommes et les femmes autour de moi. Je ne suis pas sûr de ce que je vois. Leurs vêtements sont des peaux, les murs une paroi. Je ne vois pas mes yeux. Il n’y a plus de vitre. La figure de mes proches, quelle est-elle ? Au moins ce qui pense pense. Cela pense. Par facilité lexicale, dire « Je » pense. Penser ? Qui pense ? « Cela » pensait Marco bien plus Marco ne pensait « cela ». « Je » : est-ce cette indécision ? Rien d’autre, peut-être que le spectacle de moi à moi, de moi pour moi, de moi par moi. Où est moi ? Marco déraisonnait. « Marco, pourquoi est-tu parti ? ». Il faut toujours se justifier. Pourquoi partir en effet ? De quel nœud part-on ? Pourquoi moi ? Suis-je fou ou est-ce le monde ? « Je » ne crois pas à ce moi fragmenté. « Ma » solitude est une illusion, un défaut de raison. Les autres m’assaillent et me sustentent. Je ne peux les prouver, mais je les sens, et c’est tout différent.
Le temps de Marco, qu’on y songe, est extraordinaire. Il ne prit pas l’avion, mais chemina de longs mois à pied, à cheval, à dos de chameau, vogua sur le bois des esquifs. Il traversa d’admirables contrées et des déserts arides avant d’atteindre la Chine où il resta longtemps. Enfin Marco revint par les mêmes lents moyens. Il partit adolescent, revint homme mûr. De quelle Chine Marco parlait-il à son compagnon de cellule ? De quel Occident ? De quels présents, de quels passés, de quelles transitions sur les pistes de la soie ? La vie est également courte pour tous les hommes, à peu près. Parenthèse sans retour pour remplir le temps de sens, et dans ce bref intermède, faire face à la totalité. Durée ridicule, entendement débile, étique équité, mais le seul savoir utile, poétique. Le monde est plein de fausses connaissances qui nous distraient du sens et du loisir de poser les seules questions qui vaillent : le bien vivre, le gai savoir, la douleur, la pérennité, la liberté. Le doute ne connaît plus de barrières. Marco, agité, secoue sa tignasse comme le chamane l’égide. Oh, débusquer le cœur de fer du temps ! Juger d’un point haut, long, très long. Déceler dans l’instant les contingences de la durée, ses récurrences, ses similitudes, ses solutions, ses fractures. Temps des montagnes, temps des continents, temps des crues, des rives qui s’embourbent et des îles de sable qui fondent dans le courant. Temps des arbres, des couvées, des gésines. Temps du marchand, de la serpe et du faix. Rythmes, tempo, scansion, nœuds, pendules, cordes, vibrations, périodes, coïncidences : quelle est la géométrie du temps ?
Ris cocher laugh coach ! pauvre cloche sous le clocher battant à gros bourdon gueule de toutes tes dents gâteuses personne ne t’entend !
Ris gueux rugueux rogue manant goguenard tel Diogène au seuil de son dolium la queue entre les mains gratifiant le bourgeois de grasses grivoiseries et de jurons les démagogues qui le craignent plus que Gog et Magog !
Ris cocher ! sans soin au cuir sentant le suint et la sueur, l’ail et le sel guinche grand gueux gauche avec les garces aguichantes.
Ris, mâle cocher, ébroue tes chicots, chante, gueule, bois, mange, danse, gaudriole, fais claquer ta chicotte, mais crains la chtouille asticot !
Las, loin de ta trique ton coche, qui n’est pas d’eau glisse à la baye, avec les chevaux !
« Des cachalots ? » Tu es saoule, pauvre cloche ! Casse ton verre, pas ta pipe, vire, ripe, ricoche !
Tout animé du rêve prométhéen de changer l’homme, de le déconstruire méthodiquement pour le libérer de tous les déterminismes qui l’enchaînent, physiques, matériels, sociaux, cognitifs, pour effacer le passé et sur une page blanche tracer le grand dessein de l’émancipation universelle, le marxisme aura réussi un programme exactement inverse : détruire la société, l’atomiser, la pulvériser, la réduire à une collection d’égoïsmes qu’aucun ciment ne tient plus ensemble. Ainsi la gauche aura-t-elle réalisé le programme libertarien extrême que promouvaient Ayn Rand, Margaret Thatcher, Ludwig Von Mises, Friedrich Hayek et aujourd’hui Javier Milei ou Donald Trump.
Fondé sur la solidarité des classes exploitées et l’idée que l’homme n’est rien sans son inscription sociale, qu’il est l’un des lieux d’un continuum plus grand que lui – la société, l’espèce – le socialisme aura en cours de route perdu tout orient pour dériver dans la direction opposée et se ranger aux intérêts d’une classe dominante convaincue que la singularité individuelle constitue un apex métaphysique, classe qui par ailleurs a intérêt à la désagrégation sociale.
Et c’est bien ce que l’analyse des composantes démographiques de la gauche montre, seulement peuplée d’universitaires, d’énarques, d’industriels, de fonctionnaires, de privilégiés. Dans ces conditions, voyant bien qu’elle n’est nullement représentée, mais au contraire méprisée, que ses intérêts économiques objectifs sont foulés au pied – zones à faibles émissions, portiques de taxation des véhicules, immigration illégale constituant une atteinte directe aux intérêts économiques des classes les plus modestes – alors nulle suprise que la plèbe se tourne vers les sirènes menteuses de l’extrême droite. Il plaît au bloc bourgeois de penser qu’Hitler parvint au pouvoir en raison de l’imbécillité des masses. Mais qui avait rédigé les clauses léonines du Traité de Versailles qui conduit plusieurs décennies plus tard à la misère populaire ? L’exacte même chose se déroule aujourd’hui. La misère populaire jette la populace dans des bras fanatiques, mais les raisons pour lesquelles elle le fait appartiennent entièrement aux élites bourgeoises auxquelles collent encore, par simple rémanence, l’étiquette de gauche
Il y a quelques décennies des géologues un poil farfelus prétendaient que les sols du fossé rhodanien seraient constitués de calcaire urgonien. Et pourquoi pas de 豆腐 – dòufu-tofu?
Remettons les choses à l’endroit : côté Drôme, le picodon fossile forme l’essentiel des terrains (plus quelques filons de caillette indurée). Côté Ardèche domine le pélardon métamorphique. Or – la géochimie le démontre – ces deux lèvres du fossé rhodanien étaient jadis cousues en un ensemble unique. Moraines, banquettes de galets, couches de sable, lits d’argile, bancs de loess, tables de tuf, strates de brèche, furent jadis arrachés au substrat galactique commun d’archéo picolardon – ainsi les spécialistes nomment-ils la roche-mère[1] – par d’antiques fleuves de lait et des bises mugissantes. Ce qui jadis se tenait comme un bloc, le roulement plutonien des magmas le déchira comme on ouvre une braguette.
Chacune sur sa rive, l’Ardèche du pélardon et la Drôme du picodon entamèrent leurs croisières séparées sur les bouillons rougeoyants du magma avant de sombrer dans les entrailles ignées où Hadès les guette. Flottant sur la pâte torride encore l’instant de quelques millénaires, ces fragiles éponges de croûte fromagère font comme ces mousses d’ombre filant fugaces au cul brillant des coulées d’or vomies par les gueulards des haut-fourneaux . Dérive inexorable ! Depuis ces temps lointains, la faille s’est ouverte. Elle court désormais de la Croix Rousse au Panier, du marché des Lices à l’amphithéâtre des Gaule.
Non seulement le rift cisailla-t-il le Gondwana, encore sépara-t-il un peuple jadis unis autour d’un même fromage: le picolardon. Son culte se perdit et se dissous l’unité fromagère, désormais Voconces à l’Est et Helviens à l’Ouest, chacun avec son fromage totem, issu selon des mythes communs d’un ancêtre commun. En témoignent rien moins que César, Hannibal, Strabon, Pline, Tacite.
Telles sont les conclusions infrangibles encore toute provisoires, d’une science nouvelle affranchie de la lentille réductionniste, munie au contraire d’une loupe magnifiante, intégrative, reliante, concernante, connectivante, inclusive, euphorique sans excès de disphorie, positivement édéitique en ménageant l’onirisme – il est vrai parfois malaisante mais à coup sûr post néo-archéo-moderne : l’anthropologie culturelle géo-gastro-astronomique !
Au nombre des résultats prometteurs de cette discipline novatrice, on a pu déterminer que les substances d’une même couleur blanc-beurré: pélardon, picodon, tofu, camembert, munster, maroilles, Pont-l’Évêque, époisse, beurre, etc – partagent toutes une cinétique physico-galactique comparable. A l’exclusion du tofu ! Le sous sol rhodanien N’EST PAS constitué de 豆腐 – dòufu-tofu ! C’est un mythe. Nous en apporterons la preuve.
L’inspiration principale de cette discipline novatrice, on la doit à Evariste Gallois, génial mathématicien hélas mort trop jeune en duel à vingt ans pour l’amour d’une belle: les propriétés d’un objet mathématique dit-il, se projettent sur un autre pourvu que tous deux soient dotés d’une même structure. Ainsi les résultats acquis dans l’étude des archéo-fromages d’Extrême-Occident sont transférables aux archéo-tofu d’Extrême-Orient, moyennant quelque assaisonnement, si l’on peut montrer que les paléo -cratons possèdent la même structure gastro-géologique. Or c’est le cas, mais la démonstration serait trop longue ici. Archéo-fromages et archéo-tofus forment un groupe de symétrie. Etudier les uns, c’est étudier les autres
Aussi importe-t-il, pour rendre compte avec exactitude de l’évolution des confins continentaux, de bien comprendre comment aujourd’hui se cuisine le tofu d’autrefois. Le passé éclaire le présent et inversement. Ainsi la seule Chine propose une époustouflante profusion de préparations à base de soja, ancrée dans le kaléidoscope des particularismes aux dangereuses pulvérulences de la dissolution si revenaient les temps des Printemps et Automnes ou la mandragore des Seigneurs de la guerre. De cette profuse palette, les meilleures épiceries asiatiques de France ne proposent qu’une sélection étique, de sorte que le gastro-chercheur ne saurait faire l’économie d’une enquête de terrain.
Il existe dans l’Orient global des milliers de manières de préparer le tofu. Très frais, il ressemble à du fromage blanc. Préparé avec de la ciboulette 细香葱 – xì xiāng cōng , un trait de sauce de soja, quelques gouttes d’huile de sésame noir, il fait penser à la cervelle de Canut. Egoutté, il passe par le fondant, le soyeux, le granité. On peut le frire, le mariner. Séché, fumé ou aromatisé, il prend sous la dent la consistance du fromage ou de la viande. C’est encore le 五香豆腐 – wǔxiāng dòufu,aux cinq parfums, ferme sous la dent, à la chaude couleur basane. On trouve également du vermicelle de tofu, de la peau de tofu 豆腐皮- dòufu pí, qui ressemble à celle que formait jadis dans la casserole le lait cru. Séchée, elle devient cassante, et s’amollit dans la fondue de Chengdu, servie dans une marmite Yin-Yang à deux compartiments 鸳鸯火锅 – yuānyāng huǒguō, l’un rouge et relevé, l’autre pâle et doux.
Une fermentation anaérobie transforme le tofu en une pâte beurrable. Dans les 胡同 – hútóng de Pékin ou les 弄 lòng de Shanghai, à l’ombre de chapeaux clic-clac de toile blanche, dans de grands woks posés sur des braséros de tôle, des mamies font frire d’épais médaillons de fromage de soja fermentés. L’huile qui y bout est noire à force d’usage. Qu’importe ! C’est si goûteux, entre steack et omelette, si plein de sucs et riche d’arômes ! On repère ce plat populaire de loin à ses suaves pestilences d’excrément frit ! Oh tofu puant 臭豆腐 – chòu dòufu ! nauséabond à souhait comme les égouts de Lahore ! Oh humus bucco-olfactif quand le fétide devient parfum, engendrement croisé du cadavre et du germe, de l’asticot et du phénix !
Ses fragrances font penser au durian, ce gros fruit en forme de ballon de rugby. Carapaçonné comme un triceratops, au nez de lie, de sentine, de fraise, de cloaques de Delhi, de framboise, de banane, de marron glacé, à la pulpe coulant comme un chèvre trop fait, il est le cauchemar des singes qui le guignent mais s’ensanglantent les doigts en tentant sans succès de l’ouvrir. Entre Lille et Gand, sont remugle l’apparente aux fermentations d’une wassingue humide ; en Normandie à Marie Harel et son camembert aux relents de fèces ; entre Vercors et Vivarais il fait penser au nez pointu du foudjou, et partout ailleurs à un organe malpropre.
Aux berges atlantiques, les perfides langues bifides au long nez pâle aiguisent une critique récurrente : le tofu n’a pas de goût ! La belle affaire ! Les patates, les pâtes, le pain, le riz en ont-ils ? Non : ils s’imprègnent des flaveurs de leur assaisonnement ! L’aptitude à se gorger du goût de quoi on l’accompagne, voilà le talent mimétique du tofu !
Pouark ! personne n’aime les chips molles ou le steak caoutchouc. Mais ces fautes d’accord importent peu aux palais de l’Europe. La langue chinoise ne l’entend pas de cette oreille. Pour elle, au contraire, texture et consistance sont des dimensions de l’espace spatio-culinaire, des discriminants du goût que la cuisine explore. Un exemple ? ce plat si raffiné, si cher, minimaliste, presque conceptuel à la manière des feutres de Beuys ou des pouces de César: sur un bouillon fin bien chaud, on pose quelques feuilles fraîches. Verdure spéciale, d’une lignée sélectionnée par des générations d’horticulteurs chinois – d’où leur prix – pour la qualité unique qu’elles possèdent de fondre gluantes sous la langue. Instant de transe suspendue : quelles délices !
Oui, au rebours des papilles béotiennes d’Occident, les bouches 汉 han explorent la palette du mou, du collant, du ferme, du fibreux, du filandreux, du ligneux, du gélatineux, du flasque, du caoutchouteux, du cartilagineux, du croquant, du craquant, du pâteux, du filant, du granuleux, du velouté, du granité. Ah le cœur moelleux sous la peau croustillante du blond cube de tofu 脆皮豆腐 – cuì pí dòufu. Ah, le satin flasque du tofu de la tante Ma – 麻 婆 豆 腐 – má pó dòu fǔ !
Que la Chine goûte autant goût que texture explique la déception qu’éprouve souvent la bleusaille au long nez novice à la dégustation du Canard de Pékin. Un chef haut entoqué le présente entier à la table dans sa robe caramel (dans les établissements select du moins). Le Blanc imagine que le coq s’apprête à y lever aiguillettes, magrets, dos, filets. Que nenni ! Indifférent à l’art du boucher, le tranchoir tranche, coupe et fracasse à travers la carcasse. Quel dommage ! Dommage quoi ? s’insurge l’Oriental. Pour que chaque museau s’enjoie, ne faut-il pas que chacun ait son lot de tendon, de peau, d’esquilles tout autant que de muscle pour dépiauter patiemment, succulemment chaque espèce de charogne ?
Outre la limace de mer ou la méduse confite, les pattes de poulet sont peut-être ce qui offense le plus le palais des barbares de l’ouest. Crochues, tout de peau, de tendons, de cartilage, d’ongles et d’os, marinées de diverses manières et couleurs – bleues, roses, vertes, jaunes, violettes, mastic – il plait au local de les mâchonner, grignoter, suçoter, machouiller, aspirant, crachant, ensalivant, dans un geste total, impliquant mâchoire et âme, fressure et microbiote. Manducation éminemment sociale quand entre amis, après la ronde des plats, à longueur de soirée on construit la grande muraille – 打长城 – dǎ chángchéng (i.e. jouer au mahjong) décortiquant sans fin dans les brumes un peu alcoolisées du cocon chinois qui hait la dissonance, des graines de tournesol dont on crache les écorces qui font au sol un matelas. Que deviendront ces écailles à des éons d’ici, quand les aura barattées le remuement des continents ?
Tout comme les calcaires sont des cimetières de foraminifères, tout comme les massifs coralliens sont des excrétions de polypes, tout comme la craie est un précipité de lait de chaux sous les rôts carbonés du pullulement biotique, tout comme en Californie s’étalent des plages de cadavres de bouteille, tout comme à Yellowstone des mares à fumerolles nourrissent des glaires de cyano-bactéries, tout comme les flatulences d’archéo-bactéries éructèrent l’oxygène de notre planète bleue, oui ! archéotofu et archéo-fromages en couches d’épaisseur formidables sont le bas-beurre du vivant !
Le géologue du futur dressera demain la carte des strates rouillées de carcasses de bagnoles, de machines à laver, de graines de tournesols. De noirs mineurs frapperont de leurs pics ces résidus de mastication, ces filons de mangeaille feuilletés, triturés, malaxés, tirés, poussés, pliés, cisaillés, cimentés, écrasés, pulvérisés, enfouis, caramélisés, marmorisés, calcinés par la marmite nucléaire, battus par les déferlantes de gabbro, recyclés par la subduction des cratons, secoués par les coups de rein de Gaïa et l’éjaculation des tsunamis. Poussière où tout retourne, rocs brûlants roulant psittacistes sur le tapis du lemniscate !
C’est probablement aux abysses amères sur l’échine des costales que s’allumèrent les premiers fumeurs noirs dont les déjections soufrées rassasient crevettes translucides et crabes à croûte molle. Tout cela n’était, avant que naisse le temps, avant que Chronos ne distillât la panade, que film d’archées dans le bouillon de culture des origines. Tout est fruit de la vie. Gaïa est comestible ! L’anthropocène digère. Alchimie aux arcanes anguleuses, athanor délicat où tout dépend du réglage fin des feux. Incroyable série d’ajustements d’une prodigieuse finesse qui mènent des morves dégoûtantes aux marbres persillés de basalte et aux quinconces de dyke qu’on voit pendre aux parois des Pamirs et des Hymalayas ! Car il a fallu pour que tout cela existât qu’un chameau, avec patience dans l’azur, se faufile par le chas d’une aiguille. Et, si la planète bleue est verte, c’est bien résultat du mijotage à feux plus ou moins doux des résidus de cuisine du vivant !
Voici les faits qu’exhume l’heuristique puissante de cette science disruptive qu’est l’anthropologie gastrotectonique. D’un point de vue méthodologique, la démarche s’impose. Car il suffit ensuite, par rétro-ingéniérie et réversion du temps (et une cuillerée d’algorithme du Père Linpinpin) de déduire le passé du présent, et inversement, pour espérer enfin décoder la recette de l’archéo-bouillon.
Que constate-t-on alors ?
Puy Mary vs Mont Paektu
De troublantes symétries !
A l’ouest pèse le Puy Mary, très ancienne bulle de magma figé dont les baves de basalte et les lahars de cendre édifièrent au long des millénaires ce strato-volcan, omphalos des Arvernes, aux pentes duquel Vercingétorix téta le lait chabrot.
A l’est du supercontinent, sur l’autre plateau de la balance Roberval, se trouve un autre strato-volcan : l’énorme mont Paektu, 백두산, la Grande Montagne blanche, 长白山, dont la racine pivot s’enfonce jusqu’au manteau. Un autre dissident naquit sur ses flancs, Kim Il-sung, celui « Qui Transforme le Jour en Or » – 김일성, 金日成 – père de cette dynastie dont le soleil chaque matin espère le lever de paupière pour éclairer le monde à travers sa prunelle.
Le Massif Central est le château d’eau de la France. Chaque jour, il abreuve Marianne de ses fontaines de bouteilles en plastique. Or – coïncidence ? – l’eau et le feu à Paektu s’embrassent. Un lac, le lac Céleste, occupe la caldéra du volcan. Il ne devrait pas se trouver là, expliquent les géologues, si loin de toute subduction. A moins, à moins… que ne gise loin sous la surface, pincé entre moho et manteau, un océan gigantesque, Pacifique et Atlantique réunis. Ses eaux bouent au contact de la forge de Vulcain et ses vapeurs salées percolent les roches encaissantes, les archéo-tofu. Ainsi Paektu est-il comme ces petits pains – 馒头 – qui cuisent à la vapeur dans leur panier de bambou.
N’est-ce encore qu’une coïncidence que protrude en Mer jaune un cap – que dis-je ? – une péninsule, un appendice, le Shandong de granite ? Il est le nez oriental de L’Eurasie comme Blanc Nez et Gris Nez sont les truffes du ponant que mouche l’Atlantique ? Ces deux oblongues capsules ne sont-elles pas tout également de vieilles croupes cristallines ? La célèbre bière Tsingtao – 青岛啤酒 – n’a-t-elle pas la couleur du chouchen ? Quant à la ville de Qingdao, capitale du Shandong, avec ses villas coloniales, n’évoque-t-elle pas la celte Brest ? Et Maître Kong – Confucius – né natif du Shandong, n’est-il pas quelque cousin de Merlin à la mode de Bretagne ?
Si les ressemblances sont nombreuses et troublantes – tofu, pélardon, picodon sont bien tous trois de couleur jaune-beurré – l’honnêteté critique impose d’aussi noter dissemblances et singularités. Sous Paektu, tofu cuit aux vapeurs salines ; au pays des Arvernes, limon de caséine et de lait de chaux lessivés par la fonte des glaciers !
On le sait : temps et histoire usent l’émail et l’ivoire des dents. Les chryséléphantines ont toutes succombé aux radulas des vrillettes. Ainsi vont parallèles trottant à l’amble manducation et cognition. Ainsi encore pour écrire ces lignes a-t-il fallu d’abord au paléolithique graver de cupules mimant la course des astres des plaquettes de pierre, puis avec Ptolémée, Copernic, décentrer l’univers, faire avec Galilée et Képler un pas cosmique de côté, avant que Poincaré, Einstein, Bohr, Schrödinger, Planck, Dirac – tant d’autres – déplacent provisoirement l’espace-temps à l’angle de la cornée.
Le reste du récit est trop connu pour qu’on le raconte. On se souvient qu’en son temps la découverte, aveuglante d’évidence, passa d’abord inaperçue. Mais un jour, fulgurant dans l’azur de marbre, elle en ébranla les placides piliers. Depuis des études nombreuses et variées – en micro-gravité, sous enclume de diamant, dans l’infra-jaune et l’ultra-rose – ont confirmé la découverte. Reste ce mystère : comment le fade peut-il naître du fort, l’insipide du goûteux ?
Depuis des décennies pourtant s’accumulaient les indices. On s’expliquait mal la formation du fossé rhodanien. On savait le Gondwana principalement constitué d’archéo-caséine, racine commune tant des protéines du lait de soja que du lait de chèvre, tout comme les archées sont mères des eucaryotes. On supputait notre lune résultat d’une collision ancienne entre Gaïa et Théïa, astéroïde libertarien sauvageon parcourant sur son erre ipséïste les molles géométries riemaniennes de l’outremer surréaliste.
Bien plus : les éléments trace décelés dans les échantillons ramenés de notre satellite (caillette, châtaigne, foudjou, bouquet garni) pointaient vers le lieu géographique de la collision, au mitan de la Drôme et de l’Ardèche antédiluviennes : au beau milieu du Gondwana ! On dépêcha derechef aux quatre orients des deux départements des missions d’exploration à grande débauche de pales d’hélicoptère brassant des palanquées de vent. Et l’on finit par identifierun cratère fossile de longtemps enfoui sous les sédiments. Mais surtout, planté à son ourlet, un pannonçeau confirmant que c’était bien là le centre du Gondwana ! (On peut toujours l’y voir à la Baume-Cornillane [2]!) Décisive, la preuve était irréfutable.
D’un coup se complétait le puzzle. L’ocre des terrains séléniens ? Leur velours grumeleux entre cantal, comté, beaufort ? Cet effluve de farigoule quand on frotte une pierre de lune à la manière de l’ambre ? Bon sang, c’était bien sûr ! Par comparaison le petit pas d’Amstrong était un trébuchement. Contre Ariane, contre Apollo, contre Spoutnik, contre l’ESA et ses tombereaux d’euros, contre la NASA et tous les lingots de Fort Knox, c’était là l’exploit à petit budget de deux astronautes free-lance aux caractères bien trempés. Leur fusée à damier rouge et blanc trône désormais au rond point de Chabeuil[3]. Oui, Gaïa et Séléné partagent une même origine fromagère. Wallace et Gromit avaient raison qui pique-niquèrent là-haut à l’aube d’un lever de terre, se délectant de succulents morceaux de lune, rien d’autre que du pur cheddar [4]!
[1] Selon certains experts, l’appellation archéo-pélarcodon serait plus adéquate. Débat semblable à un autre : faut-il dire Golfe persique ou Golfe arabique ? Dispute sur le genre des anges – naît-on ange où le devient-on ? – dont débattaient âprement à Topkapi dans la Constantinople assiégée prêtres, docteurs et savants, mages, vizirs, émirs et mirs.
[3] Bien que certaines chartes anciennes attribuent l’engin au mythique héros Tintin
[4] C’est l’aventure de ces deux héros que dépeint le film « La Grande excursion » de Nick Park et Julian Nott (1994), en s’écartant toutefois libéralement de la vérité historique.
– Etienne, Bonjour. Hier vu des copains chrétiens anticapitalistes et aussi pro-Trump.
– Il faudra les présenter à mon copain anarcho-royaliste !
Toutes ces personnes devraient bien s’entendre avec une autre mienne connaissance qui, pleine d’empathie, regrettait amèrement le suicide de cette « pauvre Natacha Rey » qui mit fin à ses jours suite aux persécutions de l’Etat profond pédophile. Natacha Rey est à l’origine de la rumeur selon laquelle Mme Macron serait un monsieur qui aurait trafiqué son acte de naissance.
Quant à la dite connaissance, elle fut naguère présente sur une liste électorale de gauche. Elle est par ailleurs adepte de la secte boudhiste Falungong (法轮功, Pratique de la roue du Dharma), secte que je croisai à plusieurs reprises dans les parcs publics de Shanghai et même lors d’une cérémonie officielle dans cette même ville avant que le PCC n’interdise ce mouvement en raison de son fonctionnement sectaire et de ses liens avec la CIA.
Quel étrange monde où la physique d’une part (les pommes qui tombent vers le bas, la nécessité) et l’économie, la finance et la politique internationale peuplent des sphères séparées. Car cet article comporte un point aveugle considérable : le canal de Panama connaît d’importantes tensions sur son approvisionnement en eau, et donc sa navigabilité, ce qui a interdit en une occasion au moins le passage des cargos de très fort tonnage. Une pénurie qui n’est pas près de s’arranger et dont les conséquences géopolitiques seront déterminantes. Or, dans ce domaine, la Chine est mieux placée (ou plus exactement moins mal placée) que les USA, pour la raison que le réchauffement climatique est pris à peu près au sérieux du côté de Pékin alors qu’il est nié du côté de Trump.
Les coûts cachés de l’extractivisme (gaz de schiste, minerais, pétrole, bois, eau, etc) qui revient à financer le compte de résultat en mangeant le capital (les stocks) finiront à revenir en boomerang à la face des USA, sous forme de catastrophes naturelles non assurables qui pèseront en retour sur la capacité d’investissement, sur les filets sociaux, sur la potabilité des eaux, ou même la possibilité de leur usage agricole, le tout déstabilisant profondément la société US. La soutenabilité doit être perçue comme une dimension stratégique et non pas « romantique », « hippie » ou « gauchiste ». La Chine, malgré tous ses défauts, l’a compris, peut-être en raison de sa culture de direction collective et « d’esprit de synthèse », cette dernière idée chère au PCC.
Mais de l’autre côté du Pacifique ce sont des idées probablement trop subtiles pour une société fanatiquement éprise d’individualisme et plus encore pour un présentateur télé né coiffé – sans expérience sociale et n’ayant jamais dû se coltiner au réel – et un ingénieur caractériel dont le succès n’est dû qu’au soutien d’un système financier et économique lui-même délirant et n’ayant qu’une parenté de nom avec la démocratie.
« Kirghizistan: le président Sadyr Japarov «soutient» la proposition de Musk de fermer Radio Free Europe *», nous apprend Radio France Internationale ce 11 février 2025. Voilà une excellente proposition. Une fois n’est pas coutume, me voici sur la même position que Vladimir et Jinping. Se pourrait-il d’ailleurs que Vlad et Jinping, qui connaissent le patron de Musk et son intelligence frustre, ait soufflé la proposition au dictateur Kirghize, que Musk s’empresse de bêler en écho ? A Musk, et d’une manière générale à l’esprit insulaire monolithe US, il faut des idées massives, des blocs de concepts , des nuances monochromes, des bons et des mauvais, un monde simple « sinon », comme disait Goering (à moins que ce soit Lénine ou quelque autre du même accabit), « je sors mon révolver ».
Il faut remercier Musk: les idiots sont parfois utiles. En effet, je connais un peu les Pamir et l’Hindoukoush (Turkestan Chinois, territoires du Nord-Pakistan, Inde du Nord). Les populations dans ces zones, autant en raison de la pauvreté de leurs Etats que des directions autoritaires de ces mêmes Etats, s’appuient sur les ondes courtes pour leur information (un poste de radio est difficilement détectable à la différence d’une connexion internet).
Dans l’ordre de leur préférence venait (venait car elle a disparu) en première place la BBC, reconnue pour son indépendance et son professionnalisme. La seconde place était occupée par la Deutsche Welle. Voice of America ne venait qu’en troisième place, en raison de sa partialité. Mais troisième place quand même. La Dame de Fer a rogné les crédits de la BBC qui aujourd’hui ne diffuse plus sur les ondes courtes – ou au moins a drastiquement réduit son temps d’émission – et dont la qualité et le professionnalisme ont nettement baissé: exit le soft power UK ! Merci Margaret.
Qu’Elon Musk n’ait pas inventé l’eau chaude n’est pas une découverte. Mais une telle abyssale bêtise est réellement surprenante. Comment le néo-martien peut-il ignorer le concept de part de voie ? Autrement dit, qu’importe le message, l’important est de saturer l’espace de l’information ? N’a-t-il pas lu les œuvres complètes de Steve Bannon: « Fill the zone with shit ! ». Oeuvres qui tiennent sur un rouleau de PQ et peuvent être lues au WC et utilement recyclées. La propagande a horreur du vide. Laisser un trou dans la toile et bien vite d’autres voies le comblent.
Les USA sont une île. Une grande île mais une île. Et cette île n’a du son succès et son influence mondiales qu’au fait qu’elle a su sortir de ces frontières, commercer avec le plus grand nombre, installer ses troupes un peu partout. Or, Dieu soit béni, le Très haut a donné au monde Trump pour libérer la planète de l’Oncle Sam et de l’emprise du billet vert.
Après Trump et Musk, dans le silence des ondes, personne en Asie centrale, en Asie Pacifique, en Extrême Orient, en Afrique n’aura plus confiance en les Etats Unis d’Amérique. Et d’autant plus qu’aura disparu son parapluie militaire et se sera tarie et son influence économique.
Voilà une place bien chaude que la France et l’Europe doivent s’employer à occuper d’urgence ! La marque Radio Free Europe est en déshérence ! Approprions-nous la ! Merci Musk (et bon voyage vers Mars), merci Trump, merci président Sadyr Japarov ! Vive Radio France internationale, vive Radio Free Europe !
Le paradoxe EPR (Einstein -Podolsky-Rosen) est désormais bien connu. On le nomme également et plus expressivement phénomène d’intrication. Constaté expérimentalement par le brillant expérimentateur Alain Aspect dont les manipulations ont confirmé les inégalités de Bell montrant ainsi la justesse des déductions d’Einstein, Podolsky et Rosen, le paradoxe connaît aujourd’hui des applications dans le domaine de la cryptographie où il permet d’assurer la confidentialité des messages militaires ou des instructions bancaires.
Dans les années 70, me semble-t-il, le phénomène s’étudiait sous un tout autre angle. Des expérimentations auraient alors été conduites – je n’en ai depuis plus jamais entendu parler et ne saurait apprécier l’objectivité de leurs protocoles – sur la réaction d’embryon de poules (des œufs fécondés) aux souffrances infligées à la mère. Les résultats semblaient montrer une relation entre les douleurs de la mère et les réactions de l’œuf embryon.
Ainsi, entre Vietnam et Flower power, l’intrication nourrissait des recherches sur la relation mère enfant, relation incomparable, unique, à l’origine probablement de toutes les relations sociales. A partir des années 80, ces mêmes recherches s’intéressent à la sécurisation des échanges financiers, militaires ou policiers. On mesure la chemin parcouru.
Mais laissons là ces considérations factuelles pour poser une question, ardue et spécialisée, et en même temps banale et simple, dans le sens où elle intéresse l’aperception directe du monde, la sensation et l’intuition.
Les particules intriquées ont d’abord été considérées comme des exceptions, des monstres physiques. Il n’est plus sûr aujourd’hui qu’elles ne constituent pas une partie importante des particules de l’univers. Les particules intriquées, très simples à produire avec un jeu de miroir semi-diffusant, se comportent comme des dyades, c’est à dire comme reflets distincts mais symétriques. D’un reflet sur un miroir, on ne peut supprimer ni l’objet, ni le reflet. Ainsi se comportent les particules intriquées.
Avec un peu de courage, elles nous conduisent à une géométrie vertigineuse de l’univers. Vertigineuse mais probablement, au moins, accessible en partie.
Mais voilà ma question : comment s’articulent le recyclage baryonique – le recyclage des particules assurant le transport d’information dans l’univers, et donc l’exercice des quatre interactions fondamentales – et le paradoxe EPR ?
Rapprochées, les théorie de l’intrication EPR et celle du recyclage baryonique, nous contraignent à admettre que le reflet « intriqué » transporte instantanément à l’autre bout de l’univers une chaîne de causalité allochtone (une chaîne d’interactions aussi « vieilles » que l’univers mais générée « ailleurs »).
Cette chaîne d’interactions venue « d’ailleurs » vient s’insérer, depuis le monde observé (soumis à nos expérimentations) au sein de la chaîne des événements affectant la dyade distante.
Ces deux symétries (dyades) ont, sous l’hypothèse du recyclage baryonique, connu des destins (chaines causales) divergents. Le paradoxe EPR, expérimentalement démontré, nous conduit à l’obligation d’insérer des chaines causales allochtones au sein de chaines causales autochtones, et vice versa.
Cette insertion doit nécessairement se réaliser sans que soit jamais violée la consécutivité, la cause déterminant la conséquence, sans que jamais soit violée la flèche du temps – ce qu’autorise la métrique de Minkowski – ou le second principe de la thermodynamique. Autrement dit, d’un bout à l’autre, alors même que s’y intriquent des consécutivités « locales » et « lointaines », l’univers demeurera localement cohérent à l’observateur, cause et conséquence entrant pour lui toujours dans un rapport de nécessité .
Ainsi si l’on délimite une quelconque portion d’espace-temps contenant au moins une singularité gaussienne, et que l’on dilate, ou contracte infiniment cet espace, je conjecture que l’on obtiendra une distribution de Cauchy. Un tel espace où se conjuguent à la fois paradoxe EPR, recyclage baryonique et transformation des distributions gaussiennes en distributions cauchiennes est d’une puissance métaphysique telle qu’elle remettra en question l’assiette même de nos cultures, pour leur plus grand bien, c’est à dire aujourd’hui pour leur survie.
Quelle est la taille de l’univers ? Pour aborder ce point existent de solides points d’appui (Russel, Gödel, Hofstatder, Planck…): quel étalon peut-on trouver pour mesurer l’univers ? Par définition, aucun étalon ne peut être pris en dehors de l’univers. L’étalon donc partage intrinsèquement les mêmes propriétés que l’objet qu’il mesure. Un tel étalon, miroir de ce qu’il mesure, ne peut donc nous apporter aucune information sur la chose mesurée. Il n’y a pas deux objets : un étalon métreur et un univers métré. De sorte que la question de la taille/durée de l’univers ne peut recevoir qu’une réponse tautologique, c’est à dire évidente et infra-discursive.
L’univers n’a d’extension/durée que rapporté à lui-même. Leur valeur est nécessairement l’unité. Dans un tel espace/durée, la paradoxe EPR cesse d’être un paradoxe. Il devient une évidence, construisant probablement, malgré notre aveuglement, l’essentiel de la durée de nos jours, remplis d’instant à déborder, quand nous n’avons l’œil que sur les lignes de fuite, demain, la mort, le lointain, le cosmos.
Une rue de la ville de Qingdao – 青岛城市 – dont le caractère européen résulte du fait qu’elle fut une colonie allemande, d’où également la bière du même nom qui ne s’apprécie à ses pleins effluves et goûts qu’en Chine.
Un ami sinophile m’écrit de Bretagne, notre Shandong 山东 à nous.
Ou plutôt notre ShanXi 山西 notre Ouest montagneux,
Car Gris Nez lèche Océan au ponant 西
Océan Ωxεανούς l’immense fleuve grec coulant autour des continents que la Chine nomme 太平洋 le grand fleuve pacifique !
Mon Breton sinophile cite 习近平 Xi Jinping, l’actuel président chinois
Xí Jìn píng qui « S’exerce 习 à approcher 近 la paix 平 ! » Marrant, non ?
La Corée écrit ses patronymes en caractères chinois. Le nom du dictateur de la partie Nord, Kim Jong-un, s’écrit 金正恩 ! Bienfait ou Bienfaiteur 恩 de la rectitude 正 d’or 金 ! Désopilant.
Ou non ?
Illustration: Une rue de la ville de Qingdao – 青岛城市 – dont le caractère européen résulte du fait qu’elle fut une colonie allemande, d’où également la bière du même nom qui ne s’apprécie à ses pleins effluves et goûts qu’en Chine.
Aristote et Platon, tous deux membres de l’élite athénienne, craignaient par dessus tout les promesses de quelque führer ou leader populiste qui entraînerait une population subjuguée vers l’aventure politique, la jacquerie, l’incendie. Telle fut aussi la crainte des pères de la démocratie américaine. La révolution française, fille des Lumières, fit le pari d’une démocratie populaire. Bien qu’initialement restreinte à une élite éclairée bourgeoise remplaçant la noblesse, la condition sine qua non de son maintien et de son avenir était l’élévation continue des esprits de tous et de chacun, avec comme corollaires nécessaires la liberté d’information et de parole, de réunion, de débat.
Mais le terme élite est vague et polysémique : il peut exister des élites morales, des élites marchandes ou financières, des élites militaires. Or du point de vue des élites morales, celle militaires ou commerciales n’en sont point, voire leur antithèse. Ainsi l’Eglise réclamait la paix dominicale, condamnait les exactions du puissant envers le faible, le prêt d’argent: le temps appartient à Dieu seulement.
Aujourd’hui les élites morales, ont été balayées: l’élite commerciale et financière tient le haut du pavé. Ce qui distingue les élites morales des autres est la richesse et l’ampleur de leur culture et conséquemment la relativité de leur point de vue, leur aptitude à voir derrière l’horizon du quotidien ou de la durée d’une vie, leur aptitude à penser contre elles-mêmes.
Or, elles sont aujourd’hui parfaitement discrédités, tenues pour incompétentes dans la sphère pratique, fumeuses, sans contact avec le réel. Seul l’Islam rigoriste souhaite les réhabiliter ou les maintenir.
A l’inverse le capitaine d’industrie est vu comme une forme de héros, même si sa pratique le rapproche plus d’un Mengele. Quant aux élites politiques, leur mode de désignation – électif pour les « démocraties », cooptatif pour les régimes autoritaires (la réalité pratique loin de ces termes polaires étant un mélange des divers ingrédients) – sélectionne les plus avides de pouvoir, ceux ayant prendre une revanche sur la société ou contre leur propre folie: bref, les plus tarés.
Ainsi l’avidité, principal moteur des élites marchandes ou financières, est une forme de régression bien peu propre, tout au contraire, à éclairer les destinées humaines. Voilà pourquoi, dans les arts, en philosophie, ou leurs ersatz contemporains, le médiocre qui sied aux esprits médiocres a bien plus de chance de succès que le talent. Et ce d’autant plus que ce médiocre bénéficie du formidable tambour de résonance des médias de masse peuplés de journalistes falots, appréciant l’éthique à l’aune de leur myopie.
La perspective démocratique a donc connu un retournement complet, puisque l’objectif des élites marchandes (ou technique, la technique étant par trop le bras armé de l’argent) n’est plus du tout l’éclairement de la population, son élévation, mais bien le profit qu’elles peuvent réaliser sur l’exploitation de son abêtissement, l’encouragement systématique de ses travers, tares de comportement et biais de cognition : économie de l’in-attention, temps de cerveau disponible, manipulation de masse des affects, comportements, représentations : ceci ne peut que mener à la catastrophe.