Désir, élan retenu des caresses de la mère chinoise, nostalgie d’une étoile.

Personnage, disque plâtre peint, diam. env 35 cm, par l’auteur

Nostalgie d’une étoile : telle serait l’étymologie du désir. Nostalgie de l’étoile brillant au ciel qu’était notre âme avant sa chute dans la tourbe terrestre. Ici bas est le champ de la bataille sans fin entre lumière et ténèbres, bien et mal, vie et de mort. Nostalgie : celle de l’adulte naguère nourrisson caressé par une mère – de sa prunelle coulait l’amour et de son sein le lait.

La Chine des Cinq éléments et des hexagrammes n’a jamais guère goûté le dualisme. Le Yin et le Yang est un mélange, pas un manichéisme, et la terre pas un séjour de miasmes mais l’étage aérien des vivants tandis que sous leurs pieds est le séjour humique des morts qu’on agrémente d’offrandes d’oranges, d’alcool de riz, d’écrans plats ou de Mercedes en carton.

Quoi d’étonnant alors que les caresses des mères chinoises diffèrent tant des caresses des mères d’Occident ? Celles-ci sont douces, soyeuses, tangentes, celles-là orthogonales, appuyées, brèves, rythmiques. Des tapes plus que des caresses, rudesse thérapeutique qui effraie presque, comme administrées pour désencombrer un nourrisson atteint de bronchiolite.

La mère chinoise réalise un compromis entre l’amour de son bébé et déjà les premiers rudiments d’une socialisation qui fera de lui une personne chinoise. Elle s’épanche mais préfère ne pas soutenir, prolonger le contact, mais l’interrompre au contraire, le fractionner, le limiter. Sa caresse est un compromis entre élan maternel et retenue, frustration. Sa forme même enseigne au nourrisson à limiter, différer, son désir, gérer sa frustration. 

On rit sans monter sa glotte, car on nous voit l’intérieur jusqu’à la culotte. On rit derrière sa main, on ne s’épanche pas, les proches se retrouvent sans effusion, baisers, touchers, après de longues séparations. Manifester trop ouvertement ses sentiments est indécent car c’est possiblement embarrasser l’autre, lui imposer le poids de ma subjectivité, alors que je ne peux que supposer, peut-être à faux, son état intérieur.

Signes excessifs d’affects trop personnels qui contiennent des germes de dysharmonie sociale. Aussi savoir maintenir un visage lisse et neutre, comme Talleyrand aux traits de marbre qui survécut à tous les régimes avec pourtant un orient fixe, l’idée d’une certaine France, est-il une aptitude nécessaire au futur Chinois que sa mère lui transmet dès les premiers contacts.

La mère chinoise, dans le clappe de sa caresse, imprime la nostalgie de sa propre enfance et les lourds renoncements dont la charge l’éducation confucéenne, et notamment le deuil nécessaire pour devenir fille ou fils de Han de la fantaisie fougueuse et joyeuse que l’Occident reconnaît comme génie à l’âge primevère. Mais qui connaît l’avenir ? Les profits et débits de l’enfance se paient au futur.

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